"Emmaüs ou le nouveau regard". 
Commentaire à la présentation de Roger Rabu ci-dessus 
par Georges GLAENTZLIN,

Méditation d'un chrétien du XX° siècle - Marcel Légaut.

Ce chapitre que Roger Rabu nous a présenté à Mirmande de manière très vivante et particulièrement approfondie quant à sa genèse liée à l’amitié exceptionnelle entre Marcel Légaut et Jacques Perret, constitue d’une certaine manière le testament spirituel de Marcel Légaut. Le chapitre contient tous les grands thèmes de son œuvre. Il est aussi l’avant-dernier du livre avant celui de la « Méditation pour le soir d’une vie ». Il est en symétrie par rapport au deuxième chapitre du livre « Méditation pour une veillée de Noël ». Marcel Légaut reste un géomètre et un mathématicien dans son œuvre spirituelle ! Rien de plus logique que de commencer la grande méditation sur sa vie par une méditation sur Noël, la naissance et l’enfance de Jésus et de terminer par celle de la Passion et de la Résurrection de Jésus, les deux événements fondateurs du christianisme. Ce faisant  Marcel Légaut s’identifie entièrement à Jésus, dans le contexte du XXè siècle. Il dégage les invariants de l’histoire de Jésus, comparée à la sienne en tant qu’homme de ce temps  et d’un lieu, la France, avec une humilité et une rigueur de scientifique. Il transpose son vécu dans une œuvre, qui s’ouvre sur l’universel, grâce à une langue française utilisée dans toutes ses finesses et ses possibilités syntaxiques. Avant de se faire éditer, Légaut a beaucoup médité et vécu.

Cependant, le troisième chapitre du texte de Roger Rabu : « On comprend mieux  qu’après toutes ces années de méditation à la fois commune et personnelle centrée sur la personne et la vie de Jésus, Légaut en soit arrivé au texte qui nous occupe : Non, ils n’étaient pas trois sur le chemin d’Emmaüs. Mais deux hommes blessés qui « en se disant l’un à l’autre, en s’écoutant l’un  l’autre dans l’intime du cœur »  vont se rendre présent et vivant le mort qui les a laissés seuls et désemparés : « Sans comprendre encore ce qu’ils vivaient, ils entendaient Jésus comme s’il leur parlait» me touche particulièrement et m’oblige à dévoiler une position qui fait maintenant partie de ma vie.

Ce même chapitre comporte une petite perle où Légaut donne son point de vue sur l’événement « apparition/résurrection », relaté dans le récit de Luc, des deux disciples. Voici le texte, page 293 : « la lecture, qui donne une réalité physique au troisième personnage qu’introduit le texte, n’est sans doute que l’interprétation erronée d’un artifice de rédaction relevant d’un usage symbolique très ordinaire utilisé dans l’Ancien Testament. » Dans la suite du texte, Légaut s’étonne de l’invraisemblable non reconnaissance du troisième personnage par les deux disciples et nous invite à ne pas nous laisser distraire pas ces figures de style ou ces artifices d‘auteur-narrateur hérités de l’Ancien Testament  ! Le « sans doute » de la citation laisse la porte ouverte sur une autre réalité que Légaut a sans doute approchée et devant laquelle il reste prudent. Marcel Légaut, formé au rationalisme scientifique, ne croit pas aux « apparitions » pourrait en être la conclusion. Cependant ce texte est à mettre en parallèle avec un texte bien antérieur, et constitue une véritable perle : « Cette présence (la présence de Jésus parmi ses disciples) invisible mais réelle, quoique radicalement intérieure, plus objective qu’une réalité physique qui se voit et se touche, atteignable seulement dans le fond de soi quand on y pénètre, est inimaginable à qui l’ignore même lorsqu’on s’efforce de la lui rendre vraisemblable en la lui découvrant vaille que vaille. Consignée dans les Ecritures, la promesse de cette présence, mieux que tous les autres passages de l’Evangile, fonde la communion que doit être l’Eglise. » (Mutation de l’Eglise et conversion personnelle – p.220)

Quand je relis les textes des apparitions liés à Jésus Ressuscité, je reste étonné par tous ces détails que le meilleur auteur de science-fiction n’arriverait pas à aligner de la sorte. Deux types de détails s’imbriquent si intimement au point de faire douter tout esprit rationnel : ceux qui relèvent du merveilleux et ceux qui se veulent des preuves irréfutables, car manifestations d’un Réel voilé, non commun. Le summum est atteint par le témoignage de Jean concernant le tombeau vide et de l’échange entre Jésus et Marie-Madeleine. Ecrit quelque cinquante ans (?) après l’événement, après les Evangiles synoptiques, après l’Apocalypse, le récit de Jean reste scientifiquement invraisemblable si on considère que le temps a remis les choses à leur place et que « le monde, je crois, ne saurait contenir les livres qu’on en écrirait. » (Jn, 21,25).

Deux mille ans après, et depuis vingt cinq ans maintenant, je continue de penser que ces textes rendent compte d’une Réalité qui nous dépasse, qu’ils contiennent plus que du merveilleux sorti de l’imaginaire d’auteurs en mal de notoriété, qu’il ne s’agit pas uniquement de figures de style ou d’artifices de conteurs orientaux. Un petit clin d’œil à Nicole à laquelle j’avais demandé si elle faisait une différence de statut entre l’histoire indienne de résurrection qu’elle nous a racontée et les textes évangéliques, sa réponse dans le bulletin serait bienvenue !

 

 

Si quatre auteurs différents ont pris le soin de rendre compte, dans des termes pas toujours très semblables, d’une histoire aussi invraisemblable, c’est que l’histoire méritait d’être contée. Ce n’est pas un conte mythique, ni un conte pour enfant, mais une histoire vraie. Cette « histoire » contient une grande vérité, liée à la structure de l’Univers, que le monde commun des êtres humains ne peut pas voir, car il ne veut pas voir la Vérité. Je crois que ces récits des « apparitions » rendent compte d’une Réalité non directement démontrable, mais expérimentable.

 

Les évangélistes sont d’abord des témoins de ce qui est arrivé à quelques hommes et femmes dans cette Palestine toujours occupée, à ces dernières d’abord et surtout ! Ils rendent compte d’une rupture inouïe dans l’histoire humaine : la mort a été vaincue d’une certaine manière, la vie continue après la mort, elle n’est qu’un passage ! Ni la science grecque, ni la science moderne et contemporaine n’ont réussi à expliquer ce passage victorieux par un homme exceptionnel. Le matérialisme des pyramides et des momies égyptiennes est de pâle figure devant ce corps disparu, mais toujours vivant ! C’est le triomphe de la foi méditante, celle d’une tribu d’esclaves, par rapport à la raison calculante, celle des pouvoirs dominants, des pharaons jadis et autres César jusqu’à nos structures hiérarchiques et institutionnelles d’aujourd’hui.   

 

En cette année anniversaire de la découverte de la relativité restreinte par Albert Einstein, il y a cent ans, et de sa mort il y a cinquante ans, j’ose affirmer qu’ils n’étaient pas deux sur la route d’Emmaüs, mais trois ! Et que le troisième était plus qu’un souvenir indélébile et irremplaçable, indestructible et ineffable d’un Jésus jadis vivant ... On pourrait aussi penser que chacun voyait Jésus dans l’autre disciple. Le troisième homme était bien Jésus, transfiguré par la mort. Il s’est laissé voir à deux disciples dans leur relation commune. « Si deux ou trois sont réunis … » Vérité prophétique reconnue et écrite après coup !

Je crois aussi que des visions nouvelles viendront des sciences liées à la physique de la lumière et de l’atome. Car si Einstein croyait encore que Dieu ne jouait pas aux dés, les grands physiciens contemporains pensent qu’Il passe son temps à jouer aux dés. Et nous sommes son jouet ! En fait, Dieu est une création de l’homme pour se rassurer devant l’immense et le complexe. C’est bien parce que l’immense et le complexe se dévoilent jour après jour que Dieu se cache de plus en plus. Il ne lui reste plus qu’à se réfugier à l’intérieur de nous et à s’y révéler !

 

La Résurrection est une certaine manifestation des potentialités de la lumière et de la matière. Ce n’est pas uniquement une auto-production dans un corps humain d’une mémoire mise à vif par la mort d’un être humain, très cher et exceptionnel. C’est cela, certes, mais c’est bien plus. C’est aussi une création à la dimension du cosmos, un jeu d’échanges entre un émetteur et un récepteur, entre deux potentiels humains dont l’un est déjà transfiguré par la mort, symptomatique en ce qui concerne Jésus. C’est ce que je crois sans pouvoir le démontrer ...

 

Sur cet aspect, j’aurais voulu revoir Légaut durant l’été 1990, mais la grande Histoire est venue me rappeler un vœu, contractée vingt cinq ans auparavant devant le Mur de Berlin qui venait de s’écrouler comme les murs de Jéricho … J’ai accompli ce vœu dans l’ex-RDA durant cet été et je n’ai pas pu revoir Marcel Légaut …

Heureux ceux qui n’ont pas connu d’épreuve, ils s’attacheront au royaume de la terre !

Heureux ceux qui ont connu l’épreuve, ils connaîtront le Royaume des Cieux !

 

PS. Il en résulte de ce qui précède que je ne souhaite pas que le nom de notre groupe, comme celui du bulletin « Jésus simplement » soit modifié. Il rend compte d’une merveilleuse histoire qui se poursuit ici et maintenant ! « Heureux les simples en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3).

De Georges GLAENTZLIN, 164 rue Raymond Barbet  92200 NANTERRE

 


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@2006   "Jésus simplement" , mise à jour le 11/04/2006

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