Thomas Merton de nationalité américaine est né le
31 janvier 1915 à Prades (Pyrénées Orientales) de parents américains.
Son père était peintre. Il avait un frère qui fut tué en 1943 au
cours d’une mission de bombardement sur l’Allemagne. Thomas Merton
fut d’abord interne au lycée Ingres à Montauban. Il poursuit ses
études en Angleterre, notamment à Cambridge. Après des voyages en
Allemagne, en France et en Italie, il rentre en Amérique en 1935,
pour terminer ses études à l’université de Columbia, New-York. Il
prépare une thèse de doctorat ès lettres sur "La nature et
l’art chez William Blake".
L’année 1938 marque sa conversion au catholicisme.
Il enseigne un temps au collège de Saint-Bonaventure, puis il entre
à la Trappe du couvent de Notre-Dame de Gethsémani dans le Kentucky
(USA).
Après de nombreux séjours en Asie Il meurt
accidentellement à Bangkok le 11 décembre 1968.
"« Notre ouverture au
bouddhisme, à l’hindouisme et aux grandes traditions d’Asie, nous
offre, je crois, la chance unique d’en apprendre un peu plus sur les
potentialités de nos propres traditions occidentales.
L’association avec la liberté chrétienne de l’Évangile, de
techniques naturelles, de grâces et de tant d’autres valeurs qui se
sont manifestées en Asie, devrait nous mener finalement tous ensemble
jusqu’à cette liberté pleine et transcendante qui se trouve au-delà
de toutes différences culturelles purement extérieures ».
Pour nombre de gens, le Père Thomas Merton représentait
l’élément le plus encourageant dans l’Eglise Catholique Romaine,
et cela même chez ceux qui critiquaient quelques-uns de ses écrits.
Le regret de la disparition soudaine jusqu’à ce jour de cet homme
« de dialogue » a été senti avec une particulière acuité
parmi les personnes aspirant au rapprochement des religions, dépassant
les expressions superficielles de bonne volonté.
Nombreux, en effet, sont ceux qui en sont venus à voir, avec Thomas
Merton, que cet échange sans précédent, au travers de ce qui
paraissait autrefois des barrières religieuses infranchissables,
correspond à une nécessité spirituelle très actuelle, elle-même
sous-produit de la crise par laquelle passent aujourd’hui, à des
degrés divers, les Eglises chrétiennes et les autres religions.
"Pouvoir, et vouloir
reconnaître l’action du Suprême Esprit de quelque façon qu’Il
veuille se manifester - que ce soit au-dedans ou en dehors de la périphérie
de nos propres convictions personnelles et traditionnelles - est
devenu, un fait dans le monde actuel, une condition première même
pour recouvrer l’équilibre intellectuel dans un monde qui a
virtuellement écarté tout ce que représente le mot « religion ».
Le Père Thomas Merton écrivait en outre :
"
Le moine ne doit pas s’imaginer que dans un temps de chaos comme le
nôtre, sa seule fonction est de préserver des usages anciens.
Certes ces usages et ses coutumes sont nécessaires, ils ont leur
valeur pour autant qu’ils aident à vivre avec une conscience plus
libre le Mystère du Christ.
Le passé doit survivre et le moine est le gardien du passé.
Mais le monastère doit être autre chose qu’un musée.
Si le moine ne fait que maintenir debout des monuments de l’art, ou
préserver des documents de la littérature et de la pensée qui sans
lui périraient, il n’est pas ce qu’il doit être.
Il périra avec ce qui périt autour de lui.
Le moine n’existe pas pour préserver quoi que ce soit, même pas la
religion ou la contemplation.
Son rôle n’est pas de garder vivant dans le monde le souvenir de
Dieu. Dieu ne dépend de personne pour vivre et agir dans le monde,
pas même de ses moines !
Au contraire, le rôle du moine en notre temps est de se garder vivant
lui-même par son union à Dieu.
Sa double tendance vers l’érémitisme d’une part,
et d’autre part l’ouverture au monde bien au-delà des continents,
qui s’est de plus en plus manifestée simultanément chez Thomas
Merton n’est pas aussi singulière qu’il ne paraît.
On peut dans l’histoire de l’Eglise et des religions relever plus
d’un cas semblable.
Néanmoins, Thomas Merton et saint Bernard de Clairvaux, ces deux
cisterciens qui firent connaître l’Ordre au douzième siècle
autant qu’au vingtième siècle, sont certes des cas exceptionnels,
car tout deux ont rayonné l’un d’abord en Europe (saint Bernard),
et l’autre aux Etats-Unis et autres continents au-delà de la Chrétienté,
dans les traditions hindoue, tibétaine et japonaise.
Sollicité de collaborer à la rédaction d’un message de foi au
monde moderne, Thomas Merton envoya aussitôt une lettre pour proposer
un premier schéma, lettre communiquée par le destinataire de la
lettre, dont voici un extrait
(Abbaye de Gethsémani, le 21 août
1967).
« O mon frère, le contemplatif n’est pas celui qui a des
visions passionnées de chérubins transportant Dieu sur leur char
imaginaire,
il est simplement celui qui s’est risqué dans un désert de
l’esprit au-delà du langage,
au-delà des idées,
en ce lieu où Dieu se trouve dans la simplicité de la confiance
pure,
c’est-à-dire dans l’oubli de notre propre imperfection et de
notre misère,
afin de ne plus avoir notre esprit rivé sur lui-même, et comme
cramponné, comme si penser nous faisait exister.
Dès lors, le message du contemplatif ne sera pas de
vous dire d’aller chercher votre joie dans la jungle du langage et
des problèmes qui entourent Dieu aujourd’hui.
Que vous le compreniez ou non, Dieu vous aime,
Il est présent en vous,
Il vit en vous.
Il demeure en vous, vous appelle, vous sauve et vous offre un
entendement et une lumière qui ne ressemblent à rien de ce que vous
avez pu trouvé dans les livres ou entendu dans les sermons.
Le contemplatif n’a rien à vous dire si ce n’est
pour vous assurer,
car si vous osez pénétrer votre propre silence
et si vous osez avancer sans crainte dans la solitude de votre propre
coeur,
et si vous courez le risque de partager cette solitude avec l’autre,
qui est seul et cherche Dieu en vous,
alors vous arriverez jusqu’à la lumière et cette capacité de
comprendre, au-delà des mots et des explications, ce qui est trop
proche pour qu’on l’explique.
Trop proche, car c’est l’union intime, au
plus profond de votre cour, de l’Esprit de Dieu et du centre le plus
secret de votre être,
en sorte que vous et Lui, vous ne faites plus, en toute vérité,
qu’un seul Esprit. »
Pour Thomas Merton, l’œcuménisme s’étendait aux
grandes religions non-chrétiennes et même aux penseurs athées.
Sa culture riche déjà de son éducation française et anglaise, de
son âme résolument américaine, assimilait des traditions
orientales.
Dans une de ses conférences il commençait ainsi :
« Dans toutes les grandes religions du
monde il y a un petit nombre d’individus et de communautés qui
s’engagent d’une manière spéciale à vivre dans toute leur
exigence les conséquences et les implications de ce qu’ils croient. »
Il donnait ensuite trois notes caractéristiques de
cette consécration ascétique et monastique contemplative :
(a) Un certain éloignement ou détachement des
affaires « ordinaires » ou « séculières » de
la vie du monde.
(b) Une inquiétude au sujet de ce que renferment
fondamentalement les propres croyances religieuses ou philosophiques.
(c) Un souci particulier d’une transformation intérieure,
une plus grande sensibilité de conscience à la recherche d’un
au-delà du moi ordinaire empirique (la réalisation de Soi) et de
l’observance morale et pieuse.
Comme on peut le noter Thomas Merton est le précurseur
même du monachisme et de l’érémitisme d’aujourd’hui qui ne
s’embarasse plus ( ou devrait ne plus s’embarasser) d’aucune
limite mais sait puiser aux diverses sources culturelles et
religieuses pour marcher sur le chemin du Vrai, du Soi , de l’être
et de la Vie.
Il montre à l’évidence qu’il convient
d’associer la tradition héritée du mode de culture dans laquelle
on est né et où l’on pense, et porteuse de tant de mémoires le
plus souvent mythiques ou symboliques mais souvent aussi
inconscientes, à la langue qui sous tend cette pensée et la porte et
l’exprime... mais aussi à ne pas hésiter le moins du monde à
s’ouvrir sur l’Expérience, sur les Sciences, et sur l’Inconnu
du grand Vent qui bouscule les idées reçues et passe par delà les
frontières culturelles pour essayer d’avancer plus avant sur le
chemin des vérités essentielles, des inconnaissances frustrantes ,
des contigences inacceptées et douloureuses et des modes vies
suceptibles de comber l’être .