Pierre Nautin 

 "L'évangile retrouvé, 

Jésus et l'évangile primitif" 

Paris Beauchesne, 1998,232p.!"

  • présentation d'Etienne Godinot

 

 

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Pierre Nautin achevait de rédiger sa dernière étude historique sur Jésus et les évangiles lorsque la mort l'a emporté. Son but a été d'établir le noyau primitif des évangiles synoptiques en les passant au crible de la méthode historique et littéraire qui était la sienne. Cette étude permet de conclure que le temps est fini de l'hypothèse de la rédaction d'un " proto-Marc " et éclaire d'un jour différent celle de la " Source Q ".Le grand public intéressé par les évangiles sera séduit par la thèse exposée : non seulement les évangiles synoptiques dépendent d'un Evangile primitif dont Pierre Nautin établit le contenu, mais l'auteur de cet Evangile s'appuie lui-même sur une Collection de Quinze Dits authentiques de Jésus, donnant ainsi accès à son enseignement.  Pierre Nautin  est également l'auteur de Homélie sur Jérémie, Sur la genèse; Homélie sur Samuel, Homélies pascales, Origéne...


Pierre Nautin à la recherche des paroles vraiment dites …

 

Après Ernest Renan, Pierre Nautin … Alors, qui était donc Jésus ? Qu’a t-il vraiment dit ? Qu’a t-il vraiment fait ? Que peut-on savoir d’historiquement vrai sur lui ? Telle est la question que se posait l’historien français Pierre Nautin et à laquelle il a réfléchi et travaillé de I956 à I996, mais principalement après sa retraite, abandonnant des dossiers pourtant bien avancés pour se donner tout entier au chantier qui était pour lui le plus important. Né en 1914, entré au CNRS en 1946, ancien directeur d’études à la section des sciences religieuses de l’Ecole pratique des Hautes études, il fut nommé en I963 directeur d’études à la chaire d’Histoire des dogmes et des sacrements chrétiens, devenue ensuite chaire de Patristique et histoire des dogmes. Il a notamment travaillé sur Origène, Méliton de Sardes, Hippolyte de Rome.

 

Pendant un bon demi-siècle, il a vécu dans la familiarité des copistes, “ ceux qui copient leur modèle avec application mais commettent inévitablement des fautes d’inattention qu’il faut corriger, et ceux qui modifient sciemment le texte qu’ils transcrivent : des collectionneurs, qui regroupent les textes, et des compilateurs, qui les mélangent ; des utilisateurs, des imitateurs et des plagiaires ; des interpolateurs, des amplificateurs et des faussaires, avec une attention constante aux méthodes des uns et des autres et aux signes qui permettent de reconnaître leurs interventions ”.

 

Pierre Nautin est mort en février 1997, sans avoir eu le temps d’achever ce livre. Mais “  la joie lui a été donnée, au soir de sa vie, une fois déblayées les alluvions et les scories accumulées pendant deux millénaires, de voir briller ce qui nous reste des paroles authentiques de Jésus ”, et de nous faire partager ce trésor.

 

Il a laissé après sa mort un travail inachevé, les quatre premières parties du livre et quelques annexes, et des notes préparatoires parfois évanescentes, des fragments manuscrits au crayon, dont la lecture a été laborieuse. C’est sa femme, Jeanne Nautin, qui avec l’aide de Maurice Combe et d’anciens auditeurs, a reconstitué avec un scrupule extrême la cinquième partie et les autres annexes. La sixième partie existe sous forme d’un plan avec quelques rédactions partielles. Il n’y a ni index, ni bibliographie.

 

Le titre prévu par l’auteur était Jésus et l’Evangile primitif – Etude d’histoire, mais l’éditeur, Beauchesne, a préféré le titre L’Evangile retrouvé [1]. En fait, L’Evangile n’a pas été retrouvé par Pierre Nautin, comme on a retrouvé les manuscrits de la Mer Morte par exemple, mais il a été décapé de ses couches de peinture et de vernis, passé au crible d’une méthode d’étude scientifique … menée avec la rigueur d’une enquête policière.

 

Jésus n’a pas écrit son message, il n’a pas été enregistré sur cassettes… Ce qu’il a dit et fait a été transmis de bouche à oreille pendant plusieurs décennies, amplifié, déformé, modifié. Des copistes, des catéchistes, des responsables de communautés chrétiennes en ont rajouté de leur propre plume pour les besoins de leur apostolat ou de leur autorité.

 

Les trois livrets grecs appelés Evangiles et attribués à Matthieu, Marc et Luc ont été écrits entre la destruction du Temple de Jérusalem et les premières années du IIème siècle, disons entre 70 et 100 de notre ère, plus de 40 ans après la mort de Jésus. Malgré le caractère tardif de la rédaction de ces textes, Pierre Nautin affirme que “ l’idée périodique récurrente que Jésus est un mythe est de plus en plus insoutenable ”. Mais alors comment procéder pour remonter des Evangiles à Jésus lui-même ?

 

En 1835, l’Allemand Karl Lachmann avait démontré que le plus ancien des évangiles était celui de Marc. Trois ans plus tard, en 1838, un professeur de l’université de Leipzig, Christian Hermann Weisse, énonce la théorie “ des deux sources ” : Matthieu et Luc auraient chacun puisé dans deux traditions pour composer leur œuvre. D’une part, l’Evangile de Marc ; d’autre part, une mystérieuse collection de sentences de Jésus, qui aurait été perdue sous sa forme initiale. Le professeur Weisse appelle cette dernière “ die Quelle ”, en français “ la source ”. Après lui, bien d’autres passionnés vont se pencher sur la source perdue, que l’on ne désigne bientôt plus que par son initiale “ Q ”. Provocatrice il y a un siècle, car teintée de scientisme, l’hypothèse des deux sources est aujourd’hui acceptée par la quasi totalité des spécialistes du Nouveau testament, et enseignée dans toutes les bonnes facultés de théologie, catholiques ou protestantes. Mais seuls quelques téméraires ont transgressé le tabou qui consiste à reconstituer la source Q, à rebours des siècles [2].

 

Jean Nautin l’a fait, et son livre posthume est paru en octobre 1998. D’autres, si j’en crois Jean Onimus[3] , ont travaillé de leur côté, notamment aux USA :

 

-          Raymond E. Brousk, auteur de An introduction to the New Testament. Ed. Double Day – New York - 1997

-          Une équipe de 200 spécialistes appelée le “ Jesus seminar ” a écrit : The five Gospels – What Jésus really said – Ed. Scribner – New York. Les cinq évangiles en question sont ceux de Matthieu, Marc, Luc, Jean et Thomas. Ce livre présente en rouge vif les paroles de Jésus dont ils affirment qu’elles sont sûres, en rouge pâle celles qui ont été dites mais sûrement été modifiées, en gris celles qui ont peut-être été prononcées, mais on ne le sait pas vraiment, et en noir celles dont ils affirment qu’il ne les a pas dites. L’évangile de Jean est tout en noir !

-          Une autre équipe internationale sous la houlette de trois Américains, James Robinson, Paul Hoffmann et John Kloppenborg a mis au point un “ original ” en grec, après dix ans de travail acharné. C’est cette version que Frédéric Amsler, historien du christianisme et enseignant à la faculté de théologie protestante de l’université de Genève, a traduite en français et commentée pour les éditions Labor et Fidès[4]

 

La source Q, si dépouillée soit-elle de tout élément narratif, n’est pas la transcription mécanique des paroles authentiques de Jésus. (…) En I945, la découverte à Nag Hammadi, en Egypte, d’une autre collection de paroles de Jésus appelée Evangile de Thomas, marquée par le gnosticisme, a déjà prouvé qu’une compilation de paroles christiques pouvait ne rien dévoiler de fondamental sur le Jésus historique[5].

 

                Quelle fut la méthode de notre historien ? Le but de Pierre Nautin était d’établir le noyau primitif des Evangiles synoptiques, Matthieu, Marc et Luc, en les passant au crible de la méthode historique et littéraire qui lui était familière. La méthode utilisée cherche le vrai, dans toute la mesure où il peut être connu. Elle consiste à poser devant chaque document et chaque épisode ces deux questions préalables :

1- L’auteur est-il bien informé : quelles sont ses sources d’information et que valent-elles ?

2 - Est-il fidèle ? Reproduit-il exactement le contenu de son information, ou le déforme-t-il en fonction d’autres préoccupations ?

 

Cette méthode s’avère particulièrement efficace pour les trois évangiles synoptiques par le fait qu’ils ont des parties communes auxquelles chacun d’eux apporte des variantes ou des additions, ce qui donne à penser qu’ils ont une ou plusieurs sources, dont certaines ont pu servir aux trois.

Par exemple, devant chaque divergence entre Luc et Matthieu, l’auteur se demande quelle est celle des deux versions qui peut le mieux être dérivée de l’autre, compte tenu du contexte de l’écriture (date, destinataires, etc.) et de ce que l’on sait des deux auteurs. Comme il l’écrit “ les Evangiles reflètent les préoccupations des communautés chrétiennes de l’époque où ils ont été écrits. Ce serait commettre un anachronisme, faute capitale en histoire, que de transporter d’emblée à l’époque de Jésus les doctrines que ces préoccupations ont fait naître après lui ”.

Autre exemple, Marc se sert de l’Evangile primitif, Luc l’a aussi comme source préférée, mais ils y introduisent l’un et l’autre des additions personnelles. En comparant Marc et Luc, le premier permet de reconnaître et d’éliminer les additions du second, et le second celles du premier.

 

Pour étudier un passage de l’Evangile, l’auteur regarde avant toute chose dans l’Evangile primitif ce qui se rapporte au même sujet et le lit attentivement avec les yeux de Marc, de Matthieu et de Luc pour saisir ce que sa méditation pouvait leur inspirer. En somme, il a procédé “ comme les archéologues quand ils découvrent un vase antique qui est brisé : ils le reconstituent de proche en proche en cherchant parmi les tessons épars le morceau qui s’ajuste exactement à la partie déjà identifiée ”.

 

L’auteur a fait cette recherche d’abord pour lui-même, “ pour en avoir le cœur net ”. Puis des amis à qui il a fait part de ce travail et des premiers résultats ont manifesté un intérêt si vif qu’il a pris conscience que son problème était en réalité aussi celui de beaucoup d’autres. Il n’a pas voulu écrire ce livre à l’attention des spécialistes. Comme l’écrit le professeur Gilles Dorival dans l’avant-propos, “ il le destinait à un large public, intéressé par la question de Jésus et des Evangiles et qui voulait aller au delà des vraisemblances et des à-peu-près des romans historiques ”.

 

Le chercheur Pierre Nautin ne se croyait “ ni infaillible, ni définitif ”. Il était au contraire “ convaincu que d’autres viendront qui, montant sur ses épaules, verront plus loin et mieux que lui, car c’est la loi du progrès de la connaissance humaine ”.

 

Les évangiles pour une part inventés …  ?

 

Les recherches de Pierre Nautin montrent que les documents relatifs à Jésus, - si l’on exclut l’Evangile de Jean, plus personnel, mais qui dépend pour le fond des trois synoptiques, les textes dits apocryphes comme l’Evangile de Thomas ou d’autres textes comme l’Evangile dit des Ebionites, une communauté judéo-chrétienne qui niait la filiation divine de Jésus - , sont, par ordre chronologique  :

 

1 - un Evangile primitif (EP), écrit en Galilée, en langue grecque, entre 30 et 35, c’est à dire peu après la mort de Jésus, et dont nous n’avons pas le texte. C’était une collection de dits de Jésus issus de deux auteurs différents, A et B, dont le second connaît les dits du premier, les reproduit et leur ajoute des dits nouveaux destinés à les développer, les compléter et quelquefois leur apporter un contrepoids pour atténuer leur portée. L’auteur “ A ” de cette source, probablement orale, a connu Jésus. Il insiste sur la recherche par Jésus de l’intériorité (“ le Royaume de Dieu est au dedans de vous ”). L’auteur de l’EP (“ B ”), développe déjà un Jésus devenu personnage céleste, et ajoute ses propres dits à ceux rapportés par la source émanant de “ A ”. Il reste quinze dits dans la source quand on a éliminé ceux ajoutés par B.Ces Dits sont groupés par thèmes dans un ordre logique.

L’auteur de l’EP, originaire de Galilée, considérait Jésus comme le Messie Fils de Dieu annoncé par les prophètes. Son but n’était pas d’écrire une vie de Jésus ni de faire œuvre d’historien, mais d’être un disciple et un catéchiste efficace. Un prologue figurait dans l’EP en tête de la collection des dits.

 

Comme nous l’avons vu plus haut, d’autres auteurs que Pierre Nautin affirmaient avant lui qu’il a existé assez vite des recueils de paroles de Jésus, qu’ils appellent des logia, rassemblés dans une source Q,. Jacques Duquesne, dans son livre  Jésus, a écrit tout un chapitre sur les sources[6].

 

2 - L’évangile de Marc (Mc), est écrit plusieurs décennies après l’EP, entre 70 et 80. C’est une histoire merveilleuse de Jésus – devenu le Christ (l’Oint, le Messie) - qui a pour source l’EP et la créativité inventive de Mc. Celui-ci incorpore dans le texte beaucoup de miracles pour démontrer que Jésus est bien le Messie annoncé par les prophètes. C’est le style littéraire de l’époque, qui durera jusqu’au Moyen Age, avec les légendes des saints martyrs qui ramassent leur tête coupée, jusqu’à saint Nicolas[7] qui ressuscite les trois enfants mis au saloir.

 

Cet évangile, plus complet et plus attrayant, a très vite supplanté l’EP, qui ne fut plus copié. Les manuscrits existants de l’EP n’étant plus utilisés furent selon l’habitude de l’époque lavés et employés pour la copie d’autres textes.

 

3 - L’évangile de Matthieu (Mt), écrit entre 80 et 90, s’inspire de l’EP et de Mc mais veut compléter Mc

 

4 - L’évangile de Luc (Lc), disciple de Paul, écrit entre 95 et 100, ajoute une préface, utilise quatre sources (EP, Mc, Mt et l’ouvrage de l’historien juif du 1er siècle Flavius Josèphe intitulé “ Antiquités juives ”), et manifeste une préférence pour l’EP.

 

On savait qu’aucun Evangile n’a été écrit selon notre conception historico-scientifique de la réalité. En voici, s’il en était besoin, une illustration supplémentaire.

 

Il ne peut être question ici de faire état ou même de résumer toutes les conclusions de l’enquête de Pierre Nautin, et encore moins le processus d’enquête. Citons-en toutefois quelques unes :

 

La naissance et l’enfance de Jésus :

 

Mt veut démontrer que Jésus est fils d’Abraham et lui invente une généalogie : il emprunte quelques noms à la Bible et improvise le reste. Il applique à Jésus l’oracle d’Isaïe annonçant, selon la version grecque de la Bible, la Septante, qu’une vierge concevra et enfantera un fils.

 

En réalité - Pierre Nautin ne le précise pas dans son livre -, le texte hébreu parlait d’une almah, une jeune femme récemment mariée. Mais la Septante – traduction de l’Ancien Testament établie entre 250 et 130 avant J.-C.à l’usage des juifs dispersés dans le monde grec et incapables de comprendre leur langue d'origine - a traduit par parthenos , c’est à dire une “ vierge ”. On mesure ici tout ce qu’une erreur de traduction dans l’histoire du judaïsme a pu avoir comme conséquence dans l’histoire du christianisme.[8]

 

Mt fait naître Jésus à Bethléem pour être conforme à la prophétie de Michée, et invente la visite des mages pour le faire fuir en Egypte, puis revenir à Nazareth. Le massacre des enfants de moins de deux ans est aussi une création de Mt, totalement dépourvue de réalité historique.

 

Lc, pour faire naître Jésus à Bethléem, invente le recensement des gens dans le pays de leurs ancêtres, une supposition invraisemblable. En réalité, les recensements romains n’avaient pas pour objectif de connaître le nombre d’habitants, mais d’établir l’impôt. La déclaration devait se faire dans le lieu où chacun habitait, travaillait, avait ses biens.

 

La présentation de Jésus au Temple et l’épisode de Jésus enfant au milieu des docteurs de la Loi sont des ajouts de Lc, pour combler le temps vide chez Mc entre la naissance et le début du ministère. Pour Lc, le Fils de Dieu ne pouvait être qu’un enfant prodige…

 

“ En réalité, écrit Henri Tincq[9], l’historicité des Evangiles de l’enfance est extrêmement mince. On est ici plutôt dans l’ordre du mystère et de la foi. Luc et Matthieu ne sont pas des historiens au sens moderne du terme . Selon un genre littéraire bien connu de l’Antiquité, leurs récits n’ont d’autre fonction que d’anticiper sur ce qui va suivre, de résumer par avance, et symboliquement, le destin de Jésus. Sa naissance à Bethléem en fait un être “ royal ”. La visite des bergers à la crèche précède son enseignement majeur sur l’amour dû aux pauvres. Celle des mages d’Orient signifie que le message du nouveau né s’adresse aussi au monde païen. L’évocation des massacres du roi Hérode en fait un “ nouveau Moïse ”, dans un parallèle saisissant avec le massacre des enfants hébreux sous Pharaon. De telles règles d’écriture symbolique fondent une croyance dans un homme-Dieu sans équivalent avant Jésus et qui se perpétue après lui depuis vingt siècles ”

 

La vie publique de Jésus :

 

Le récit du baptême de Jésus tel que Mc l’a conçu et écrit répond à une intention apologétique : prouver aux disciples de Jean Baptiste que Jésus était supérieur au Baptiste et le baptême en son nom d’une efficacité plus grande que le leur. Alors que l’EP ne parlait pas d’un baptême conférant l’Esprit Saint, Mc fait dire à Jean-Baptiste que Jésus  “ vous baptisera dans l’Esprit Saint ”, fait entendre la voix de Dieu à la sortie du Jourdain et invente le séjour de Jésus au désert. L’épisode de la Transfiguration, où Dieu parle encore en direct, est bien sûr lui aussi inventé.

 

Trois apôtres figurent dans l’EP. Marc en ajoute 9, pour faire 12, référence aux douze tribus d’Israël, et crée l’institution des Douze apôtres. La création d’un clergé ne remonte pas à Jésus pour qui la Révélation était destinée aux “ tout-petits ”. Mc, moins sensible aux dits de Jésus qu’à l’établissement d’une Eglise, supprime le discours des Béatitudes pour le remplacer par l’institution des Douze apôtres.

 

Dans les dits de Jésus qui constituent le noyau de l’EP, nous en trouvons un dans lequel Jésus compare la connaissance qu’il a de Dieu à celle qu’un fils a de son père, mais jamais il ne se proclame le Fils de Dieu.

 

L’auteur des dits de la Source employait l’expression fils de l’homme dans son sens banal (un humain, quelqu’un, ou je), tandis que l’auteur de l’EP en fait un titre christologique (le Fils de l’Homme, le personnage céleste vu par Daniel)

 

Le texte du “ Notre Père ”, que Jésus avait sans doute appris auprès de Jean-Baptiste, a été repris par l’auteur de l’EP, qui, pour la recommander aux communautés chrétiennes, l’a présentée prescrite par Jésus.

 

D’autres passages nombreux sont de l’auteur de l’EP : l’efficacité des exorcismes, le discours sur l’hypocrisie et le reniement, l’attitude à tenir en cas de persécution, le discours sur les signes du temps, sur la porte étroite, la parabole des invités au festin remplacés par les pauvres, la parabole du sel, celle de la brebis perdue, malheur à qui scandalise, pardonner sept fois par jour. Ces additions peuvent être suggérées selon les cas par des dits anciens, par la Bible, par des maximes de la sagesse commune, ou par le souci de répondre aux besoins des communautés chrétiennes et aux objections de leurs adversaires.

 

La parabole du bon Samaritain est une composition de Lc.

 

La collection des dits de Jésus dans l’EP ne contenait qu’un miracle, bien modeste : la guérison d’un homme paralysé d’une main. Et encore cette guérison était-elle faite non pas pour prouver la puissance ou la compassion de Jésus, mais pour affirmer simplement que l’homme passe avant les exigences de la règle religieuse. C’est Mc qui ajoute la tempête apaisée, la multiplication des pains, la résurrection de la fille de Jaïre. Mathieu y ajoute la résurrection du serviteur d’un centurion romain. Luc y ajoutera la résurrection du fils de la veuve de Naïm. Au total, Mc introduit dix-sept miracles du même ordre que ceux de la Bible, repris par Mt et Lc, qui auront désormais autorité de… “parole d’Evangile ”.

 

La mort de Jésus :

 

Les paroles de Jésus “ Ceci est mon corps, ceci est mon sang, faites ceci en mémoire de moi ” pendant le dernier repas avant sa mort correspondent à la liturgie de l’Eucharistie telle qu’elle était pratiquée dans la communauté de Mc. Celui-ci a voulu justifier cette liturgie en la faisant pratiquer par Jésus lui-même.

 

(Mais d’autres auteurs que Pierre Nautin, comme Eugen Drewermann, soulignent que les rites théophagiques sont totalement étrangers à la tradition juive et affirment qu’ils ont été empruntés par les premiers chrétiens à d’autres religions de l’époque).

 

La mort de Jésus s’inscrivant dans un plan divin de salut des hommes, le juste s’offrant à Dieu (en “ victime propitiatoire ”, “ mort pour nos péchés ” dira Paul) pour remplacer les sacrifices d’animaux, la Résurrection est dicté à l’auteur de l’EP par la question que la mort de Jésus lui posait ainsi qu’à son entourage chrétien : Si Jésus était le Messie, pourquoi donc est-il mort ?

 

Selon l’EP, le peuple n’était pas contre Jésus mais pour lui, à tel point que lorsque les Anciens ont formé le dessein de supprimer Jésus, ils craignaient le peuple. L’intervention de la foule demandant à Pilate de crucifier Jésus et de libérer Barabbas est une création de Mc.

 

Le reniement de Pierre est une innovation de Mc qui ne figurait pas dans l’EP. La remise en place de l’oreille tranchée au serviteur du grand prêtre est une addition de Lc. C’est Lc qui a introduit des femmes dans le cortège avant la crucifixion de Jésus. Les deux malfaiteurs et le partage des vêtements sont très probablement des reprises d’Isaïe et du psaume 22. Le vin mêlé de myrrhe, la troisième heure, l’écriteau de la croix ont été ajoutés par Mc. Le vinaigre est une reprise par Lc du psaume 69. Mc retouche aussi l’épisode du centurion et lui fait affirmer que Jésus n’était pas seulement “ un juste ”, comme dans l’EP suivi par Lc, mais “ le Fils de Dieu ”. Les ténèbres sur la terre sont une reprise par Lc du prophète Amos (on sait par ailleurs qu’il n’y a pas eu d’éclipse du soleil à cette date), le voile du Temple qui se déchire une reprise de l’Ancien  Testament, etc.

 

La résurrection :

 

Le récit de la Résurrection dans l’EP est construit sur l’idée que la survie spirituelle de Jésus et la pérennité de son action étaient conditionnées par le retour de son corps physique à la vie, retour qui pouvait être prouvé par la constatation que ce corps n’était plus dans le tombeau où il avait été déposé. Il fallait donc qu’il n’ait pas été abandonné aux chiens ou aux vautours - comme il était de règle pour les criminels condamnés à mort -, mais qu’il ait été enseveli.

 

La phrase de Jésus “ Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ” est une addition de Mt pour asseoir l’autorité des chefs et enseignants de la communauté des chrétiens des années 80-90 et pour introduire le Saint Esprit comme acteur et garant de l’efficacité du baptême chrétien.

 

De même l’institution d’une Eglise et la désignation de Pierre comme celui sur qui elle est établie sont une création de Mt.[10].

 

… mais Ieshoua retrouvé

 

Jésus était originaire de Galilée, une province séparée de la Judée par la Samarie. La Galilée était à l’abri du judaïsme orthodoxe, doctrinaire et ritualiste de la Judée, dominée par la présence écrasante du Temple de Jérusalem contrôlé par les Sadducéens. Elle était plus ouverte à l’influence hellénistique, moins tournée vers l’écrit immuable, la Bible, et vers le rite.

 

L’EP ne donne nulle part le nom de la mère de Jésus et ne parle pas d’elle. Mc est le premier à faire paraître la mère et les frères de Jésus et leur donne un nom. En réalité, nous ignorons le nom de la mère de Jésus, le nom et la profession de son père, le milieu social où il a grandi, sa formation, la part qu’y avaient la culture grecque et la tradition juive. La seule donnée ferme est qu’il était de Nazareth, en Galilée, pays de tolérance. Jésus a très probablement fait partie du groupe des disciples de Jean-Baptiste et a partagé quelque temps sa vie et ses exercices ascétiques.

 

Les traits dominants du message de Jésus sont les suivants :

 

- La prévalence réservée aux petits, des gens du tout venant, qui ne savaient probablement ni lire ni écrire, par opposition aux “ savants ”, les docteurs de la Loi, et aux “ intelligents ”, férus de culture grecque : ce qu’il enseignait, ce n’était pas un dogme, mais une sagesse, une pratique. La “ révélation ” se manifeste dans des circonstances fort diverses. La fibre intime de l’homme ainsi atteinte existe comme une manifestation du divin. Jésus n’évoque pas le Dieu des Juifs (le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob qui fait alliance avec le peuple élu), mais le Père du ciel et de la terre, c’est à dire de tous les hommes et de tous les êtres. Connaître “ Dieu ” ne passe pas par une tradition religieuse ou une pensée organisée en concepts : il faut s’intégrer au courant de la vie, faire monter le monde avec les forces qui poussent vers le haut.

 

- L’intériorisation du règne de Dieu : il ne s’agit pas d’attendre un Royaume de Dieu qui va s’installer avec fracas, mais d’accomplir le désir de Dieu en soi : “ le règne de Dieu est à l’intérieur de vous ”. On sort d’un mythe eschatologique pour s’occuper d’une réalité spirituelle. Le règne de Dieu ne vient pas tout seul, c’est à chacun et à tous ensemble de le construire. Cette intériorisation rend inutiles non seulement le mythe du jugement proche, mais aussi la sacralisation d’un Livre, et tout sacrement qui fait attendre le progrès spirituel d’un geste ou d’une pratique corporelle.

 

- L’amour des autres et le pardon. Dans une partie du judaïsme, l’amour ne pouvait s’adresser qu’au frère de race. Jésus brise cette restriction en déclarant la Loi et les prophètes abolis.

 

- Le détachement. Jésus n’avait pas la naïveté de croire que l’on doit tout attendre de Dieu sans rien faire. Mais il ne faut pas s’inquiéter, c’est à dire se laisser obséder au point d’oublier ce qui est à ses yeux l’essentiel : la vie spirituelle. Au contraire, on peut faire confiance en Dieu, avoir la certitude d’être aimé inconditionnellement, être reconnu comme unique et autonome.

 

- Son attitude à l’égard des institutions religieuses. Jésus ne partage pas l’idée d’alliance de Dieu avec un peuple. Le livre, les rites détournent de l’essentiel. Jésus ne baptise pas, il condamne le commerce des offrandes et il en montre l’inefficacité dans les processus de réconciliation. Il s’insurge contre la religion sacrificielle en faisant fuir du Temple les bêtes destinées au sacrifice et en renversant les comptoirs des marchands qui versaient une partie de leur bénéfices aux prêtres sadducéens. Il était inévitable qu’il soit rejeté par l’institution et par les clercs dont il remettait en question les attitudes de pensée, le pouvoir et les revenus.

 

Pour Jésus, il ne s’agit plus de placer la perfection dans une observation scrupuleuse de toutes les règles cultuelles prescrites par la Bible, auxquelles les Pharisiens en ajoutaient encore d’autres, il s’agit maintenant, pour chacun, d’entrer dans le règne de Dieu par une conversion  effective de son regard et de sa vie. Le règne de Dieu est une réalité intérieure à l’homme, une “ graine de sénevé ” qui grandit peu à peu jusqu’à prendre toute la place.

 

Le ministère de Jésus était le résultat de son évolution spirituelle personnelle qui ne pouvait se faire sans un grand effort d’authenticité et de générosité. Sa prédication, fruit de son expérience personnelle, était confortée par l’exemple de sa vie et correspondait à ce qu’attendaient les hommes, parce qu’elle atteignait chez eux un aspect authentique et profond, comme elle le fera plus tard sur ceux qui l’écoutent.

 

Jésus est conscient de sa mission : proclamer les Béatitudes (des logia la plupart du temps mal traduites, si l’on en croit Eric Edelman), une voie pour trouver le bonheur ici-bas. Il est venu “ jeter un feu sur la terre ” : ce mot décrit non l’objet de sa mission, mais la manière dont le message se propagera. Il a mis au service de sa recherche du “ royaume de Dieu ”  tout ce qu’il avait, au fur et à mesure qu’il le fallait. Il en ressentait une paix et une joie profondes comme cette femme qui, après avoir retrouvé sa drachme perdue, éprouve le besoin d’aller le dire à ses voisines. Il l’a dit d’abord autour de lui, probablement dans la synagogue de Nazareth, puis à d’autres, et cela s’est transmis de proche en proche. Puis des hommes se sont mis à son école.

 

On peut tenir pour certain que Jésus ne s’est pas présenté lui-même comme le Messie-Roi et fils de Dieu dont parlaient plusieurs oracles bibliques, ou comme le Fils de l’Homme décrit par Daniel, qui est monté au ciel et qui en reviendra bientôt pour juger les hommes et installer un Royaume de justes. Rien ne permet de supposer que, lorsque Jésus s’est mis à prêcher, il se soit présenté aux gens comme chargé d’une mission divine. Mais il avait confiance que ce qu’il avait considéré comme une mission, ce feu, cette ferveur qu’il avait allumés dans les foules, continueraient à s’étendre de proche en proche, par l’action d’autres que lui.

 

L’activité missionnaire de Jésus se caractérise par son succès auprès du peuple et des gens simples. Il ne baptisait pas. Il récusait le miracle, le merveilleux comme signe pour croire. Il a opéré des exorcismes, c’est à dire qu’il guérissait des personnes atteintes de troubles neuropsychiques ou de paralysies par une parole pacifiante et déculpabilisante et en les touchant. Dans une moindre mesure, chacun de nous peut expérimenter l’efficacité d’une parole juste, c’est-à-dire ajustée, envers quelqu’un qui est dans la souffrance, dans le désarroi, dans la haine, dans l’hésitation.

 

Comme l’écrit Pierre Nautin, “ cette modestie et cet oubli de soi, cette préférence accordée aux petits, cette estime pour les gens simples chez lesquels il reconnaissait des cœurs plus aptes à saisir les valeurs essentielles de la vie, tout cela le rendait sûrement très attachant ”. L’auteur relève aussi chez Jésus le bon sens, l’humour, l’initiative.

 

On peut ajouter l’importance accordée par Jésus aux femmes, ce qui était à l’époque totalement nouveau, et la recherche du bonheur dans la simplicité du quotidien : la rencontre vraie des gens, l’attrait pour la fraîcheur et la liberté d’esprit des enfants, portes d’accès à une vraie vie spirituelle, la contemplation de la nature. N’oublions pas non plus son amour de la vie. Il ne dédaignait pas la bonne chère et le bon vin, et certains l’appelaient “le glouton et l’ivrogne ”.

 

Instruit par l’exemple de Jean-Baptiste, Jésus ne pouvait pas ignorer que sa critique du caractère aliénant d’une forme de religion légaliste et terrifiante lui attirerait la haine des grands prêtres, que son succès auprès des foules alarmerait les pouvoirs publics, et qu’il serait liquidé par les uns, les autres ou les deux à la fois. Il ne savait pas quand ce serait, ni comment : d’un coup net ou après de terribles souffrances ? Cette pensée ne le quittait probablement pas : “ J’ai un baptême à recevoir, et comme je suis anxieux jusqu’à ce qu’il soit célébré ”.

 

L’idée que Jésus est Dieu, - ou plutôt n’est pas Dieu au sens propre, mais tient du Père son être et tout ce qu’il a, monothéisme oblige - s’est développée avec Paul, puis avec les Pères de l’Eglise. Quant au Saint Esprit, devenu dans le dogme chrétien une personne à part entière de la Trinité, André Chouraqui le traduit par “le souffle sacré ” de l’homme en quête de Dieu, ou souffle sacré de Dieu qui inspire à l’homme de devenir vraiment humain.

 

Frédéric Amsler, dans L’Evangile inconnu, va dans le même sens que Pierre Nautin : “ Les auteurs de Q connaissent les circonstances de la mort tragique de Jésus, mais celle-ci ne fait pas l’objet d’une interprétation théologique. La Bonne Nouvelle ne repose pas sur le binôme croix-résurrection, mais sur l’annonce de l’irruption du royaume de Dieu, par un maître de sagesse prêchant et vivant lui-même l’abandon de toutes les sécurités de l’existence. Le royaume court-circuite notre rationalité, transperce nos mécanismes de défense ”. Il est pour ceux qui se sont dépouillés des sécurités matérielles, affectives, philosophiques. La source Q est la charte radicale d’utopistes qui veulent, à la suite de Jésus, prophète dérangeant, changer le monde. Au risque d'agresser pharisiens et légistes de Jérusalem.

 

Aide-mémoire, sans doute, pour les prédicateurs-évangélisateurs de Galilée, le document ne survivra pas dans son état brut, en raison sans doute de l’échec missionnaire de ses promoteurs.(…) Reste l’essentiel pour Amsler : la source Q prouverait que la théologie de la mort et de la résurrection de Jésus n’a pas été la pensée unique des premières générations chrétiennes, comme l’œuvre de Paul le laisse entendre. Dans la source Q, l’homme Jésus prêche un mode de vie plutôt qu’une doctrine. Rien d’étonnant, selon lui, puisque “ le Jésus des Evangiles ne demande pas que nous croyions en lui, mais que nous mettions en pratique ses paroles ”[11].

 

                Ma conviction est que les premiers chrétiens, et peut-être même les disciples, ont déifié Jésus dont la parole et le témoignage avaient tellement marqué ses contemporains.  Ils ont peut-être pensé qu’un tel message ne pouvait être répandu à travers le monde que s’il était habillé (affublé…) des mythes, de la poésie, des symboles, de la magie des religions dominantes de l’époque. Plus probablement, la nouveauté et la caractère libérateur de ce message étaient tels que les premiers chrétiens, pour en parler, n’ont pu utiliser que le langage du mythe et du symbole.

 

                Saint Paul, qui n’a pas connu Jésus, et qui était imprégné des mythologies des religions “ païennes ” du bassin  méditerranéen, a joué un rôle déterminant pour réinterpréter les récits qu’il a entendus. Beaucoup de théologiens le considèrent, à juste titre, comme le fondateur du christianisme.

 

                Dès lors, quantité d’actes et de paroles de Jésus ont été retraités à la mode magique et symbolique, et transformés en “ miracles ” : ainsi, Jésus change l’eau en vin (il transforme une religion culpabilisante, moralisatrice, dogmatique et ritualiste en relation libre et profonde avec un Dieu d’amour). Il réanime les morts, Lazare, la fille de la veuve de Naïm (il redonne goût de vivre à des personnes atteintes de fatalisme, de désespoir, de mort spirituelle). Il multiplie les pains et les poissons (il annonce une nourriture spirituelle et appelle au partage : les gens avaient bien sûr amené à manger puisqu’ils avaient des corbeilles…). Il calme la tempête (il calme l’angoisse existentielle de l’homme en révélant un Dieu de pardon et de tendresse : le phénomène de tempêtes très violentes et très courtes est bien connu sur le lac de Tibériade). Le troupeau de porcs se précipite dans la mer (les pulsions profondes de l’homme peuvent être vaincues, canalisées au service du bien), etc.

 

                Toujours  dans le mode symbolique, le rideau du Temple se déchire en deux après la mort de Jésus (Dieu n’est pas un juge tout puissant, il n’y a  plus de séparation entre Dieu et l’homme). Jésus apparaît à ses disciples en traversant les murs et les portes (malgré sa mort, il reste proche de nous). Il marche sur l’eau (il est plus fort que les forces de la peur et du mal, il est la vraie sécurité). Une langue de feu brûle sur la tête des disciples à la Pentecôte (ils ne sont plus désespérés et abattus, ils ont… la flamme,  ils vont témoigner du message auquel ils croient), etc.

 Etienne Godinot,

 dans Le rabbi Ieshoua



[1]Pierre Nautin- L’Evangile retrouvé – Jésus et l’Evangile primitif, Ed. Beauchesne (Paris), I998, 283 p .

[2] Jean Mercier - “ Les aventuriers de la source perdue ”, La Vie du 20 décembre 2001, p. 64-67.

[3] Lettre de Jean Onimus à E.G. le 6 novembre 2001 et échange téléphonique du 15 janvier 2002.

[4] Frédéric Amsler - L’Evangile inconnu. La Source des paroles de Jésus, Ed. Labor et Fides, déc. 2001, 128 p.

[5] Jean Mercier (2001), déjà cité.

[6] Jacques Duquesne – Jésus, Desclée de Brouwer / Flammarion, 1994, p. 301-317.

[7] Dans La Vie du 16 décembre 20 04, Jean-François Colosimo, orthodoxe, professeur de théologie à l’Institut Saint-Serge, indique que Nicolas, évêque de Myre, a combattu “ l’hérésie arienne ”. Prédestiné depuis le berceau, saint Nicolas refuse ascétiquement le sein de sa mère les vendredis Ses miracles évoquent la Trinité : il sauve trois vierges de la prostitution, trois soldats de la prison et trois princes du bourreau. Dans les récits de l’enfant bouilli, étranglé ou des enfants disparus, il les ressuscite d’une mort en apparence consommée. A sa mort, son corps incorruptible est source de baume et de guérison.

[8] Le plus paradoxal, c’est que tous ceux qui enseignent la théologie catholique savent, certes, ce qu’il en est, mais que la pression de l’autorité magistérielle leur interdit absolument de le reconnaître : ils connaissent fort bien le contresens “ grec ”, l’erreur qui fait du mythe une réalité historique, la rationalisation malhonnête du “ merveilleux ” dans l’apologétique de l’Eglise (…). Mais tout cela ne doit pas compter, parce qu’à travers les siècles l’Eglise a enseigné ce qu’elle a enseigné et pas autre chose, et commandé de croire ainsi et pas autrement. Les images mythiques des “ païens ” soumises à la contrainte de la logique grecque : voilà enfin défini ce qui fait la structure spécifique du dogme de l’Eglise catholique. Eugen Drewermann – Dieu en toute liberté – Albin Michel, 1997, p. 111

[9] Henri Tincq, “ L’énigme de la naissance de Jésus ”, Le Monde (Dossier et documents), décembre 2004.

[10] P. Benoit et M.-E. Boismard, professeurs de l’Ecole biblique de Jérusalem, dans leur Synopse des quatre évangiles en français (Cerf, I972) - qui a obtenu l’imprimatur - considèrent également ce passage comme un ajout de l’ultime rédacteur matthéen.

[11] Jean Mercier (2002), déjà cité.

 


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@2006 "Jésus simplement" mise à jour le 13/02/2006