Présentation d'Etienne Godinot

Jean Onimus

 

Portrait d’un inconnu  L’homme de Nazareth

Ed. L’Harmattan (Coll. “ Chrétiens autrement ”), 

févr. 2003, 188 p.

dans JS 37 03/03/03

 

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Jean Onimus, né en 1909, marié, 7 enfants, agrégé et Docteur es lettres, a été professeur à l’université d’Aix-Marseille puis à celle de Nice. Il a été invité par des universités du monde entier, conférencier officiel de l’Alliance Française. Il a écrit 38 ouvrages, dont beaucoup traduits en sept langues étrangères.

 

Elevé chrétiennement, membre actif de mouvements catholiques (Equipes sociales, Scouts de France, Paroisse universitaire), il n’avait pas rencontré Jésus. Il a été alerté par  une phrase de Joseph Proudhon : “ Jésus : une individualité à retrouver, à resituer, à refaire presque, tant il a été dissous, pulvérisé par la religion dont il est l’auteur. Rétablir cette grande figure dans sa vérité humaine est aujourd’hui un travail de première nécessité. Ramené à la vérité de sa nature, à sa pure individualité, il devient un homme prodigieux ”.

 

La conversion de l’auteur date du jour où il a constaté à quel point les idéologies vieillissent avec leurs dogmes et la charge des commentaires qu’ils traînent derrière eux. La sympathie émerveillée pour le Jésus des évangiles synoptiques s’est vite réduite, sous l’influence de Paul, à un système tristement humain de dette et de rachat. “ Jésus, devenu Dieu, s’est trouvé exilé dans un autre monde, adulé, adoré, mis hors de portée de nos sympathies ”.

 

Le 39ème ouvrage de Jean Onimus, “ Portrait d’un inconnu – l’homme de Nazareth ”[1], paru en 2003, est une opération de décrassage de Jésus présenté non comme le Rédempteur de l’humanité, mais comme une référence et un modèle pour devenir des êtres vraiment humains. L’auteur explique d’abord la genèse des Evangiles et montre que “ notre tâche est désormais semblable à celle des archéologues : relever l’authentique, rejeter la sédimentation des siècles qui n’a jamais cessé d’édulcorer et d’enjoliver ”

 

Jésus est présenté comme un homme très concret, réaliste, observateur, poète. Il n’enseigne pas, ne manie pas les idées. Sa parole est provocante et excessive, son humour caustique, le contraire du bon Jésus aux propos doucereux et lénifiants. Ses réponses sont imprévisibles, souvent cinglantes, et visent juste. Jésus n’est pas un sage, mais un émotif, une conscience à vif intensément présente.

 

L’auteur est persuadé que “ cette mosaïque de paroles si suggestives, pathétiques, humoristiques a plus contribué au succès du christianisme que les subtiles argumentations de Paul : c’est de ce côté-là que gît le trésor, le reste est en train de tomber en poussière ”.

 

Reprenant la classification caractérologique de Le Senne, Onimus présente Jésus comme un émotif-actif-primaire. Ces individus sont entraîneurs, combatifs, fraternels. Leurs sentiments sont vifs, leurs idées novatrices, voire hardies. Ils ne craignent pas d’exagérer ou de se contredire. Ils sont spontanés et directs, impatients. Ils ont le don pour la communication, posent des questions, s’expriment aisément. Ils ont une existence aventureuse, mouvementée et ne connaissent guère le repos. Leur vitalité fascine et attire leurs admirateurs, ils se font ainsi des disciples passionnés. Ce sont de bons vivants, au solide appétit. Ils sont spontanés, ignorent le doute, la contrition, le narcissisme. Ils sont pleins d’ardeur et d’affection, très secourables, avec des réserves de pitié et de tendresse. Leurs idées, par contre, sont subversives, révolutionnaires, ils s’emballent et prennent des partis violents. Ce ne sont pas des gens mesurés, équilibrés, rassurants : tout en attirant les foules, ils leur font un peu peur. Ils donnent leur activité à une cause et leur cœur à une action. Ils sont trop actifs pour faire de longs discours : ce sont des témoins, parfois des martyrs.

 

Jean Onimus montre la proximité de Jésus avec les Cyniques, comme Diogène, des marginaux en perpétuel exode, méprisant l’avoir et cherchant par le dénuement à accroître l’être. Ils choquent afin de faire réfléchir, dénoncent les impostures et les bassesses, éveillent, secouent les consciences. Ils s’attaquent au formalisme, au ritualisme, au légalisme. Ils mettent à mal le code des honneurs, s’environnent de personnes méprisables. Mais, précise l’auteur, Jésus se distingue des Cyniques par sa modestie et surtout par sa foi en l’homme.

 

Jésus dénonce l’intellectualisme, cette perte de contact avec la vie et l’expérience concrète qui rend l’intelligence réductrice, dangereuse et même aveugle. Il s’oppose aux théologiens, aux doctrinaires, aux idéologues, aux moralistes, aux juristes. La Bonne Nouvelle s’adresse à ceux qui veulent vivre.

 

Le rôle historique de Jésus, affirme Jean Onimus, a été de vouloir rendre les hommes plus humains, de les appeler à être et à vivre autrement. La structure théologique de la religion chrétienne a été créée par Paul et Jean, mais Jésus est tout le contraire d’un fondateur de religion : ce sont les personnes qui l’intéressaient, pas les communautés organisées ; il ne baptisait pas, n’aimait pas les sacrifices, ne portait pas de costume religieux, ne respectait pas les rites sacrés, ne fréquentait pas le Temple, combattait le ritualisme et le dogmatisme. Le dieu de Jésus est plus exigeant : il demande une conversion de l’être entier, une mutation en profondeur, une plénitude par le don. En cela il se rapproche du bouddhisme et du taoïsme.

 

“ Pour les prêtres, Dieu est conçu à la façon traditionnelle comme un être tout puissant et parfait qu’il convient de servir, d’amadouer par des prières et un culte attentif (…). Pour les prophètes, et plus encore pour Jésus, Dieu est une présence spirituelle qui fait du monde un “ milieu divin ” plutôt qu’une propriété divine ”.

 

Jésus ne peut supporter la stérilité et répète que nous sommes nés pour porter du fruit. Il n’est pas un magicien doté de pouvoirs secrets. Il a le don d’inspirer confiance, une confiance libératrice, guérisseuse, qui décuple les forces de résistance et de combat. L’utopie qu’il propose n’est pas une vaine rêverie ou un fantasme de science fiction, mais sert à projeter devant nous un but, certes inaccessible, mais qui fixe une orientation.

 

Il n’est pas mort pour “ racheter le péché du monde ”. Il n’a pas vaincu le mal, il l’a à peine égratigné. On l’a tué car il s’attaquait à l’ordre public, à la caste sacerdotale, à la classe possédante, à ce qu’il y avait d’inadmissible dans la société.

 

Jean Onimus, s’insurgeant contre l’interprétation de Paul (dont il cite par ailleurs des passages admirables), se refuse à décrire la mort de Jésus comme la conséquence d’un gigantesque péché que Dieu lui-même ne pouvait pardonner et qui exigeait le supplice de son fils. Paul est le premier, bien avant Jean, à parler de mystère, mot jusqu’alors réservé aux cultes secrets des religions initiatiques comme les cultes de Dionysos et d’Éleusis. Le pessimisme paulinien a été amplifié par saint Augustin, repris par Luther puis les jansénistes.

 

S’opposant également aux auteurs qu’on a appelés collectivement “ Jean ”, imprégnés de gnosticisme, l’auteur n’apprécie guère les mystères qu’on pourra éternellement commenter, comme celui de la Trinité, qui enchantait l’esprit compliqué des Grecs mais désespérait les Sémites si fiers de leur monothéisme.

 

Une des affirmations centrales de Jésus est que “ le royaume de Dieu est au dedans de vous ” et “ autour de vous ” : pour le trouver, il faut se connaître soi-même, convertir son regard, voir autrement,  appréhender autrement l’existence. Le monde n’est pas mauvais, il est en gestation. La Bonne nouvelle, c’est que nos vies ne sont pas inutiles, qu’elles ont du sens et qu’elles contribuent à l’instauration du “ Royaume ”. L’intention évidente de Jésus n’est pas de “ racheter ” l’homme, mais de l’aider à s’achever, à devenir pleinement humain. “ La Résurrection est un événement. Mais l’appel de Jésus est bien plus qu’un événement, c’est une métamorphose ”.

 

“ Ce n’est pas l’avenir du christianisme qui est désormais en question, l’affaire est dépassée : c’est le rêve de Jésus ! ”. L’évangile nous invite à un accomplissement de la nature divine dont nous portons en nous le germe.  

Etienne Godinot


d'Albert Boisson dans Chrétiens autrement

Le livre de Jean Onimus « Portrait d'un inconnu. L'homme de Nazareth » (l'Harmattan), mérite vraiment qu'on s'y arrête : c'est un Jésus vivant, passionnant, passionné, à la mesure de « la passion amoureuse » que son auteur reconnaît pour lui ! Voici quelques extraits, d'abord de la préface de Albert Boisson, suivis de quelques passages savoureux de l'auteur qui vous donneront, je l'espère, envie d'y goûter plus avant !

Extraits de la préface :

« Voici le livre que l'on attendait !

Après lecture, on aimerait faire parvenir l'ouvrage à tel ou tel ami, étant sûr que la découverte de cet « inconnu » sera pour lui un grand plaisir.

 

Jean Onimus aura 93 ans en septembre. Docteur ès-lettres, professeur d'université, invité par les universités étrangères, il possède de nombreux dons manifestés dans ses multiples écrits. Il a l'expérience, la sagesse et la compétence.

Son livre sur l'Inconnu de Nazareth est un enchantement.

Avec justesse et simplicité, il nous montre comment les évangiles ont été constitués.

Tout de suite, on comprend qu'il faut du flair pour parvenir aux véritables paroles prononcées par Jésus lui-même.

Un portrait psychologique de Jésus nous est dressé. Nous comprenons vite pourquoi telle parole est de lui telle autre du rédacteur. « L'auteur, nous dit-il, s'est passionné pour le personnage exceptionnel que fut Jésus et cherche à comprendre comment son message a pu être si profondément défiguré. »

 

Jean Onimus dit ce qu'il pense : ce n'est pas toujours du bien de St Paul ou St Jean... L'auteur ne cherche pas à appuyer la polémique :« ce livre ne veut être ni érudit, ni exhaustif, seulement suggestif. »

... "Autant la théologie a vieilli, nous dit-il . autant l'Evangile reste présent malgré les millénaires."

L'auteur nous confie qu'il a été alerté par une phrase de Proudhon :

« Jésus : une individualité à retrouver, à resituer, à refaire presque, tant il a été dissout, pulvérisé par la religion dont il est l'auteur. Rétablir cette grande figure dans sa vérité humaine est aujourd'hui un travail de première nécessité. »

Albert Boisson Chrétiens autrement

Quelques passages de Jean Onimus :

« ... J'aime ces explosions de colère et de joie, cette exubérance d'un homme bien vivant qui n'est ni un sage, ni un intellectuel, mais une conscience à vif, intensément « présente »... Jésus est passionné, animé tour à tour par l'indignation, les chimères du Royaume de Dieu, les éblouissements de l'amour, de la pitié, de la tendresse. Il a besoin d'une parole excessive pour forcer les gens à émerger de leur médiocrité... »

« Jésus est un conteur-né... Je suis persuadé que cette mosaïque de paraboles si suggestives, pathétiques, humoristiques a plus contribué au succès du christianisme que les subtiles argumentations de saint Paul : c'est de ce côté là que gît le trésor, le reste est en train de tomber en poussière... »

«... C'est un optimiste... Le royaume de Dieu est une fête perpétuelle. Jésus a foi en l'homme, en son fond de bonté... Pour lui , la vie terrestre n'est pas une punition ! C'est même peut-être l'antichambre du paradis ! Notre malheur est de ne pas nous en rendre compte... »

 

Et puis, des passages magnifiques, tel celui sur la bonté :

« La bonté n'est pas une idée, elle ne se manifeste que par des actes ; elle émane de notre être profond, elle nous révèle... Cette apologie d'une bonté surabondante a ému des millions d'êtres( par rapport à Jésus) comme en Extrême-Orient, la bonté cosmique, illimitée du Bouddha. S'il y a une clé de voûte dans l'Evangile, elle est là. C'est vraiment le coeur de Jésus... Ce don de soi n'attend pas de contre partie. Il est "absolu" ou il n'est pas. »

 

Ou encore, « ... Le dieu de Jésus est beaucoup plus exigeant (que celui de Moïse ou de Mahomet - un législateur -) : il demande une conversion . En cela, il se rapproche du Bouddhisme et du Tao... qui, comme l'Evangile, visent une mutation en profondeur des individus : de quoi changer la condition humaine... »

 

J'ai du mal à m'arrêter de "citer" tant le Jésus de Jean Onimus est vivant, stimulant, pétillant, régénérant : un vrai bonheur ! Allez y voir, vous ne serez pas déçus !

 



[1] Jean Onimus –  Portrait d’un inconnu – L’homme de Nazareth, Ed. L’Harmattan (Coll. “ Chrétiens autrement ”), févr. 2003, 188 p.

 


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@2006 JS mise à jour le 11/04/2006

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