Mondovi san Quitino  

 

"Expérience de présence..."

Extrait du W.E. avec Jean JACOB 

à Annecy en septembre 2000.

 suivi d'un extrait d'une méditation de Légaut sur Emmaüs

JS n°27  10/01/01 ...   

Accueil   Rencontres  bibliographie Textes de JS  Contacts  index Jean Jacob

« ... Comme c'est l'année 2000 (un peu partout ont lieu des réunions en souvenir de Marcel Légaut), je vous propose de l'évoquer tel qu'il m'est apparu au cours des longues années où je l'ai rencontré... et tel qu'il m'a permis de recevoir les témoignages concernant Jésus, surtout les évangiles (je les ai reçus autrement depuis cette rencontre !).

 

1 ère chose : Marcel Légaut était Marcel Légaut ! J'ai rarement vu quelqu'un à ce point être lui-même comme lui : c'est capital, surtout quand, à l'avenir, on voudra aussi témoigner de Jésus.

L'avenir témoignera, à partir des êtres tels qu'ils sont, et tels qu'ils deviennent et non plus, en ce qui concerne Jésus, à partir de certaines représentations théologiques ou autres...

 

M. Légaut, par tout lui-même, renvoyait à Jésus : c'était un vivant qui vivait en communion avec Jésus. Sa connaissance croissante de Jésus, lui permettait d'accéder sans cesse davantage à lui-même et ainsi d'entrer de plus en plus dans une intelligence renouvelée de Jésus. Pour moi, M. Légaut 2000, je pourrais dire aussi Jésus 2000, car il y a une présence nouvelle de Jésus qui m'est parvenue depuis ma rencontre avec M. Légaut.

 

C'est ce devenir, cette accomplissement progressif qui lui permettait de prendre distance par rapport à tout ce qui avait été dit pendant des siècles concernant Jésus cette consistance lui permettait de prendre distance (ce qui ne veut pas dire rejeter ) cette distance permet un renouvellement d'attention qui suscite une interrogation; et c'est paradoxalement cette interrogation qui permet de s'intéresser à nouveau à celles et à ceux qui nous ont précédés (car je suis suffisamment devenu moi-même pour pouvoir prêter l'oreille).

 

Pour chaque texte que j'avais sous les yeux, je me disais : "qu'est-ce que telle ou telle personne a vécu, qu'est-ce qu'elle est devenue pour être amenée à dire ce que j'ai là".

Quand on est dans un tel contexte ( d'une expérience de présence), et qu'une personne est "absente" de son dire, alors ce dire ne parvient que comme un simple écho d'une proclamation qui a frappé son oreille : elle a entendu dire et elle répète... Dès lors, on peut être amené à s'interroger sur des personnes qui proclament, avec comme seul souci, réentendre ce qu'elles proclament...

 

Au contraire, dans d'autres témoignages qui parviennent, si une personne est présente dans ce qu'elle dit (comme je l'avais constaté pour M. Légaut qui à la relecture de ses propres textes, confirmait... ou bien il disait "non, je ne dirais plus comme ça aujourd'hui, ou bien il ajoutait quelque chose : il n'y avait jamais de répétition, ou alors, c'est qu'il avait déjà réussi à se dire), si donc une personne est présente dans son dire, c'est justement la vie qui anime ce "dire" qui attirera toute notre attention. Ce ne sera plus le dire dans sa littéralité qui va nous impressionner.

 

J'ai vu ça pendant 30 ans au cours de mes études : « qu'est-ce que Jésus a dit exactement ?... » comme si la littéralité parvenait automatiquement à rencontrer quelqu'un, mais c'est la vie qui est à l'origine du dire! Qu'est-ce qui pointe dans tel texte, dans telle parole ?

C'est dans un contexte comme ça que j'ai pu me rendre compte, dans le cas des évangiles, que la répétition littérale n'existait pas puisque, au contact de Jésus qui se disait au milieu de ses disciples et leur permettait peu à peu de prendre conscience d'eux- mêmes, c'était quelque chose qui commençait à se dire... Exemple, si vous racontez ça avec un style d'époque, vous pouvez dire que le Saint-Esprit a donné le don des langues; aujourd'hui, si vous dîtes ça, plus personne ne comprend ce que ça veut dire : c'est une façon de parler, ce n'est pas la littéralité, mais ce que ça peut signifier...

 

Ainsi, à l'écoute des tous premiers témoins de Jésus, Légaut constate que les premiers disciples avaient très rapidement dit de Jésus qu'il est le Christ, qu'il est le Messie, qu'il est le Fils de l'Homme, qu'il est ...On ne peut pas contester ça et on constate en même temps que Jésus lui-même, en ce qui le concerne, ne s'est jamais référé à des attentes ou à des annonces qui le précédaient. Je ne dis pas que, de temps en temps, cela aussi ne pouvait pas l'aider à se comprendre, mais Jésus est un être qui ne s'est jamais référé qu'à lui- même : c'est très important. Dans l'Histoire, je vois essentiellement deux êtres comme ça : Jésus et Gautama (le bouddha) ; des êtres qui étaient la référence de tout ce qu'ils disaient, en raison de la personne, de l'être qu'ils étaient devenus et d'une certaine plénitude qu'ils avaient acquise. Ca débordait d'eux :"la bouche parle de l'abondance du coeur".

 

Quand Légaut constatait tout ceci (c'étaient les disciples qui disaient :"il est ceci..."), il ne rejetait pas, mais il prenait distance et il s'interrogeait sur la vie de ces disciples :"qu'est-ce qu'ils ont dû vivre au contact de Jésus pour avoir été amenés à dire ça, en raison du contexte historique qui était le leur où Jésus devait être le Messie, le Fils de l'Homme"... Tout le peuple juif, surtout à l'époque de Jésus, attendait quelqu'un, décrit comme un "champion" de Dieu. Mais sous l'effet de la rencontre de Jésus (c'est la surprise), une fois la rencontre faite, ils se disaient :" c'est évidemment lui qu'on attend"; à ce moment là, la rencontre faisait appel à toutes ces attentes pour essayer de l'expliquer; ça va être un piège... Mais il fallait quelque chose d'intensément vécu pour qu'ils soient amenés à parler ainsi.

Jean Jacob


 

Extrait de la méditation d"Emmäus de Marcel Légaut :

"Ils s'étaient trouvés auprès de lui, à son contact et avec la totalité de leur être, ils avaient répondu à l'appel que la présence leur donnait d'écouter au plus profond d'eux- mêmes". Non seulement le "contact" avec Jésus était dû au fait que Jésus était un être assez étonnant et extraordinaire, mais cette présence était quelque chose qui leur faisait percevoir au-dedans d'eux, des choses qu'ils ne percevaient pas indépendamment de sa présence. Et M. Légaut disait :"C'est ce qui m'intéresse" et c'est ça qu'il essayait de vivre; et c'est pour ça qu'il restait tout le temps dans cette méditation de Jésus, car cette méditation lui permettait d'atteindre en lui-même et de déceler en lui-même des choses qu'il était incapable d'atteindre par lui-même, seul (c'est "son" expérience) .

 

Or, il est très rare qu'un être qui nous a été , à un moment donné, présent, puisse continuer à nous rester présent. Pour moi, suite à M. Légaut (c'est beaucoup plus difficile !...), qu'est-ce que ça demande de nous-même comme présence, comme écoute de l'un à l'autre pour qu'une présence déjà née puisse sans cesse être reprise, revécue. Et je pense que pour l'essentiel, l'expérience humaine, surtout pour l'avenir, sera l'expérience d'une présence. Tout ce qu'on est capable de faire aujourd'hui, c'est inouï ! ... mais où sommes-nous dans toutes ces réalisations absolument époustouflantes ?

 

... Le fond de nous-même, c'est de devenir présents les uns aux autres et rien, rien ne pourra, quant au fond, nous tromper là dessus, même si ça prend des années ou des siècles. Quand j'entendais M. Légaut ainsi, j'avais comme une expérience renouvelée de Jésus.

... Si quelqu'un parvient un peu à se dire et qu'on le lit, on peut partager l'expérience : à ce moment là, il ne nous apprend rien de l'extérieur mais par ce qu'il écrit et moi par la lecture, je suis donné à moi-même...

Il y a des paroles de Jésus qu'on n'a pas comprises. Jésus disait : Il n'y a rien de plus précieux que vous-mêmes. "Un être humain, même s'il venait à gagner le monde entier..." et bien, si ça porte un peu atteinte à lui-même, il a perdu au change.

 

Jésus et Gautama sont semblables. Ils se sont découverts grâce à leur propre cheminement et à leur propre accomplissement; ils ont tous les deux faits cette expérience bouleversante qu'au bout, devenus eux-mêmes, ils sont remplis d'une plénitude, de bienveillance. d'amour... et ils vivent en même temps que c'est le lot de tout un chacun.

Tous les deux ont la même image :"même si c'est à l'état d'un grain..." dit Gautama ; "même si ce n'est qu'un petit grain de sénevé..." pour Jésus. C'est pour ça qu'il faut s'encourager mutuellement, un mot gentil, un regard... ça peut, tout à coup, rendre quelqu'un à lui-même. On ne peut rien faire de plus beau, de plus précieux...

Le jour où on prendra conscience de ça, nous organiserons autrement notre vie en : c'est une question d'attention, d'expérience de présence... »

 


Accueil   Rencontres  bibliographie Textes de JS  Contacts

@2006 "jesussimplement" mise à jour le 11/04/2006