Où en suis-je dans ma recherche de clarification
concernant l'identité de Jésus de Nazareth et l'identification la plus
exacte possible de son témoignage ? Permettez-moi de ne pas utiliser la
langue de bois.
Pour moi, Jésus n'est pas Dieu et donc Dieu n'est pas
Trinité. Il n'est pas "Le Christ" et donc je ne suis plus Chrétien.
Il n'est pas ressuscité, et ne donne donc pas, comme tel,
validité et efficacité aux "Sacrements".
Il n'a pas fondé une Eglise succédant à Israël comme "Peuple
de Dieu", mais recommandé à ses disciples de se rassembler en son nom.
Voilà beaucoup d'affirmations péremptoires et choquantes,
mettant fin à un tabou global inscrit dans mes profondeurs comme peut-être
dans les vôtres.
Et pourtant, Jésus est, plus que jamais, le soleil de
mon existence.
Pour moi, Ieshoua est d'abord et simplement Ieshoua,
comme Mozart est Mozart, comme Rimbaud est Rimbaud, comme Van Gogh
est Van Gogh, comme Einstein est Einstein : un être humain comme vous et
moi, mais doué d'un génie, d'un charisme particulier qui le distingue du
commun des mortels et qui m'atteint personnellement.
Juif d'origine ( Hébreu, plus exactement), Ieshoua a
réinterprété la Torah comme l'avaient fait avant lui d'autres prophètes,
spécialement Jérémie, mais, CETTE FOIS, DE FOND EN COMBLE, en raison de
son génie singulier, ni artistique, ni scientifique, mais spirituel.
De fond en comble... avec une liberté incroyable, dans un
déploiement de tout son être pour rencontrer ses compatriotes plus
empêtrés, (de son point de vue génial), par les tabous et les
réglementations de la religion établie que par les tracasseries de
l'occupation romaine. (Comment ne pas penser à l'Israël d'aujourd'hui
!)
De fond en comble : et donc il va initier en profondeur
un groupe d'hommes et de femmes, qu'on appellera symboliquement " les 12
", avant que Luc, bien plus tard, dans son Évangile, ne les "titularise"
comme "apôtres". Ces longs moments passés avec eux, pour leur expliquer le
sens profond des paraboles !
Car, il ne s'agissait pas moins que de ceci : du lien
intime entre le divin et l'humain, non plus à partir d'une Injonction
primordiale, ou d'une Torah authentifiant un Pacte, une Alliance, mais à
partir de l'être humain lui-même en son ultime profondeur, avec ses
potentialités inédites par rapport aux règnes minéral, végétal et même
animal : ses potentialités spirituelles orchestrant, valorisant et
finalisant toutes les autres.
Ce lien intime avec le divin rendait l'être humain capable
de faire valoir lui-même les talents, les potentialités singulières dont
il était dépositaire, sans se contenter d'observer les réglementations de la Torah.
Cette nouvelle vision, Ieshoua devait en informer ses
compagnons finement, confidentiellement, par insinuations répétées, en se
rendant compte des réticences, des résistances ataviques
conjoncturelles.
Vous avez pu lire p. 3 de ce n° 39, le texte de Marcel
Légaut sur la "clé de voûte" du message de Ieshoua ; j'en ai pris
conscience, grâce à Bruno, lors de notre dernière rencontre, fin mai, à
Mirmande et, depuis, j'ai relu l'oeuvre de Légaut, en notant son évolution
dans sa façon de parler de "Dieu" , de Jésus qu'il ne nomme plus "le
Christ" et de "l'Église de l'avenir". (cf "Un homme de foi et son Église"
1989)
Son insistance sur "l'expérience vécue par Jésus" est
saisissante. Cette expérience, Ieshoua l'a vécue avec l'ardeur et le
dynamisme d'un grand vivant, et j'ai trouvé dans les livres de Jean
Onimus, comme dans le "Jésus de Ouarzazate", film de Serge Moati des
expressions qui pourraient nous aider à sortir de notre langage empesé,
confiné et répétitif; à commencer par moi
Nous risquons, dans un temps plus ou moins proche, de
nous laisser capter et captiver
par la mort de Jean Paul II, l'élection de son successeur,
les premières orientations du nouveau pontificat ; "Le Monde des
Religions", nouveau magazine, va nous donner l'illusion d'une
actualisation capitale. A chacun de nous de discerner, parmi
tant d' innovations médiatisées, les éléments d'éveils et de
clarifications authentiques !
"De fond en comble" : la ré-interprétation génialement
introduite par Ieshoua dans la religion d'Israël, et génialement
confisquée par sa divinisation et sa christification, nous met
en consonance naturelle avec certains courants contemporains
de spiritualité - plutôt tendance "accomplissement humain" que "New Age" ?
- et avec la spiritualité universelle et diversifiée
inscrite dans l'être profond de chacune et chacun de
nous.
(Voir Eric Édelmann « Jésus parlait araméen » p. 306-307,
181-182, 441 en note).
Georges SAUVAGE 17-09-03
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