Eric Edelmann

 “ Jésus parlait araméen ” ,

Paris, éditions du Relié, 2000 

/ Pocket, n°11672, 2004

 

 

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Eric Edelmann est docteur en philosophie du département de Sciences des religions à la Sorbonne. Son livre[1] est une enquête serrée sur les textes évangéliques, compte tenu de “ la complexité de leur rédaction, de leur traduction, de leur interprétation ”, afin de retrouver, sous ses différentes couches rédactionnelles, quel fut le message initial, du vivant même de Jésus.

Pour étayer ses démonstrations, il s’est fondé en grande partie sur la Peshitta, évangile écrit en syriaque encore utilisé par les Eglises de Syrie, d’Irak et du Liban et dont plusieurs équipes de spécialistes, dont le Français Pierre Perrier, affirment qu’il serait antérieur aux évangiles grecs.

Les paroles de l’Evangile sont lues - sans les déformations de la traduction grecque – et commentées par un homme très ouvert aux autres spiritualités de la planète (vedanta hindou, bouddhisme japonais ou tibétain, soufisme, taoïsme) et dont les maîtres spirituels s’appellent Arnaud Desjardin, Thomas Merton, Henri le Saux, Karlfried Graf Dürkheim, Alan Watts et Georges Gurdjieff. Les paroles de Jésus se révèlent ainsi sous un jour nouveau et autrement plus subtil : elles apparaissent comme des directives extrêmement précises pour la transformation intérieure.

Eric Edelmann montre combien l’Ancien et le Nouveau testaments sont pleins de récits symboliques : l’Exode d’Egypte et la traversée du désert sont selon lui un mythe décrivant un cheminement, une purification (“ les archéologues n’ont pu jusqu’à ce jour découvrir au Sinaï le moindre tesson de poterie attestant qu’un peuple entier y ait jamais séjourné ”). Le “ déluge ” est celui des passions qui nous emportent et “ l’arche ”, la structure intérieure pour recueillir et abriter tout ce qui nous compose. Les cinq ex-maris de la Samaritaine et celui qu’elle a aujourd’hui et qui n’est pas son mari sont les peuples qui ont dominé ou dominent Israël (Egyptiens en I700, Assyriens en 721, Babyloniens en 586, Perses sous Cyrus, Grecs en 333, et Romains en 63). Les cinq portiques de la piscine de Bethesda sont les cinq sens qui nous maintiennent au niveau du monde sensible, etc.

En traduisant les mots araméens, il donne aux évangiles une signification et une saveur nouvelles. Khtahayn, rendu par péché, signifie exactement erreur, au sens du mot familier ratage. Bisha, rendu par mal, signifie non ajusté, immature, inadéquat. Le Sauveur en langage sémitique est le donneur de vie, etc.

Jésus “ enseigne un chemin divin pour devenir réellement humain. Il est le “ joyeux messager ” qui nous propose une pratique et non une doctrine. “ Il nous prescrit comment agir et non ce qu’il faut croire ”. La reconquête du divin en l’homme se fait donc ici et maintenant par la pleine acceptation de la vie qui devient transfigurée. Sans une vie consciente, vigilante, éveillée, l’homme n’est qu’un moribond ou même déjà un cadavre : c’est la signification de la “ résurrection ” de Lazare, un homme que Jésus appelle à sortir de la routine. “ La demande de se lever, de se mettre debout et de prendre sa paillasse, c’est à dire de surmonter sa léthargie, apparaît comme la demande essentielle propre à tout cheminement spirituel ” : telle est aussi la leçon de l’épisode du paralytique à la piscine des cinq portiques. Il comptait sur le bouillonnement de l’eau en oubliant de faire appel à ses ressources intérieures. De même, le grabataire depuis 38 ans  n’a pas été guéri parce qu’il avait foi en Jésus, celui-ci ne s’étant pas fait connaître, mais parce que, à l’appel de Jésus, il a eu foi en lui-même.

Il n’est plus question de “ faire le bien ”, mais de laisser s’exprimer un état naturel de bonté qui jaillit spontanément. “ Tel est le miracle permanent dont portent témoignage les sages, les éveillés, les spirituels de toutes les époques et de toutes les traditions ”. Il a dû y avoir dans la manière dont Jésus parlait et agissait quelque chose qui provoquait cette révolution dans les esprits conditionnés par leur passé, leur éducation et leurs usages, d’où l’accusation de blasphème, de violation du sacré. “ Cette situation correspond à celle qu’à connue Socrate cinq siècles plus tôt. L’enjeu est de même nature, car il est toujours question d’accéder à la vérité en détruisant les sources du mensonge ”.

Eric Edelmann fait plusieurs parallèles entre Jésus et d’autres maîtres spirituels : Comme le Bouddha qui cherchait à purifier le brahmanisme plutôt que créer un nouvelle religion, et avant lui Lao Tseu en Chine, Jésus renouvelle et rafraîchit la tradition ancienne des juifs. “ Socrate, Bouddha ou Jésus n’ont jamais écrit quoi que ce soit : les paroles proférées respirent la vie, tirent leur force du son. Elles véhiculent un sentiment de présence, d’intensité, d’instantanéité que l’écrit est incapable de donner ”.

Parmi les qualités de l’être spirituel, Eric Edelmann cite la curiosité intellectuelle, s’intéresser à tout, vouloir comprendre, la netteté, rigueur, acuité de perception, droiture morale, la vigilance, une présence à soi et à ce que l’on fait, un niveau de conscience connecté à la vie concrète, l’autonomie - “ Ne dit-on pas en Orient qu’il y a deux choses dangereuses dans la vie : se tenir debout derrière un cheval et assis devant un maître spirituel ! ” -, la nécessité de vivre au présent (et de lâcher prise à l’égard du passé et de l’avenir : “ le royaume, c’est ici-bas ; l’éternité, c’est maintenant ” résume André Comte-Sponville), la largesse d’esprit, mais aussi l’intransigeance quand il s’agit de l’essentiel, la nécessité d’accepter ses émotions pour pouvoir les comprendre et les dépasser, le goût des belles et bonnes choses de la vie, l’humour, etc.

Comme Pierre Nautin, Eric Edelmann écrit : “ A propos de la mort sur la croix, il n’est jamais question de “ rachat ” dans les Evangiles. L’authenticité des propos sur la “ rançon ” dans les textes de Matthieu et Luc a été sérieusement mise en doute par les spécialistes ”.

Par ailleurs,“ le Malin n’est pas une entité extérieure à nous, un être maléfique correspondant à la conception médiévale du Diable. C’est un dysfonctionnement intérieur, un facteur d’illusion perturbant la vision et déformant la réalité ”

“ Sans contredire aucunement l’approche selon laquelle la résurrection de Jésus peut être conçue comme une véritable apothéose spirituelle, il est aussi très fructueux de la considérer comme l’affirmation de la pleine possibilité offerte à tout homme, celle d’un éveil complet ”. La résurrection, ou réveil, c’est l’accession à une plénitude de vie, une réalisation intérieure, une transformation radicale de l’être et de la conscience, ici et maintenant.



[1] Eric Edelmann  - Jésus parlait araméen, Ed. du Relié, octobre 2000.

 


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@2006 "Jésus simplement"  mise à jour le 11/04/2006