Agnès Munier

"JÉSUS SIMPLEMENT":

UN ROYAL CADEAU POUR MOI!

 


 

Envie de faire le point par écrit pour répondre aux sollicitations de Georges dans le n°5 (mes réactions avaient été orales jusque là !) pour essayer de dire

- d'abord pourquoi cette initiative me touche, me correspond aussi fondamentalement, aussi essentiellement

- ensuite, donner quelques éléments d'approche de "mon" Jésus;

- enfin entrevoir des perspectives d'avenir: espoir ou utopie ? pour ce qui peut être suscité par "Jésus simplement".

 

1/ Pour faire saisir l'importance de "Jésus simplement" il n'est pas inutile de reprendre quelques jalons de mon cheminement, à partir de ce qui a suivi ma traversée d'environ 10 ans de non-pratique, d'athéisme finalement ( succédant à plus de 25 ans de religiosité où ma docilité m'avait fait "prendre" tout ce que l'église m'enseignait avec une passivité, une crédulité totale (cf.. la description de M. Légaut dans "Mutation de l'église et conversion personnelle où je me retrouve complètement...). Quand je me suis trouvée vers l'âge de 35-40 ans à participer à un "atelier-foi" à Vie Nouvelle, il n'y avait pas grand chose' que je pouvais retrouver, reprendre, me correspondant au fond... de tout ce que j'avais reçu... je me suis entendue dire:" Jésus m'intéresse essentiellement pour ce qu'il dit de l'amour". Puis, de plus en plus clairement, radicalement, dans les années qui ont suivi, s'imposait que Jésus ne m'intéressait, ne pouvait me concerner que si c'était un homme... Si c'était Dieu fait homme, comme l'enseignait la religion, ça n'avait pas d'intérêt pour moi, ça ne pouvait pas être un chemin pour approcher Dieu, c'était "pipé" au départ.. .Et je suis restée plusieurs années avec cette évidence, tellement loin du dogme officiel que c'était "sous le coude", disons !

Ma rencontre avec M. Légaut à Mirmande à partir de 85 a été capitale: je pouvais penser, vivre de ce qui était une conviction de fond, car je trouvais toutes sortes d'éléments que je reconnaissais de l'intérieur et qui donnaient de la matière, du poids à cette évidence. Ce qui m'a touchée très vite, c'est de sentir à quel point M. Légaut, à travers son "devenir soi" avait une intimité

- avec Jésus, en vivait, était disciple... et ça a été contagieux! Je suis entrée progressivement (grâce aussi à un ami proche de M. Légaut) dans cette proximité avec Jésus qui m'a fait dire à la Pentecôte 91: Jésus, c'est mon grand frère... Depuis la mort de M. Légaut, j'espérais encore que l'église allait prendre conscience de l'immensité du fossé qui la séparait de la vie, parce que, ce dont je vivais de Jésus, je ne pouvais douter que, en particulier les responsables de l'église, en vivaient.

L'affaire Gaillot a été la grosse goutte d'eau ...qui m'a fait réaliser qu'il n'y avait plus d'espoir de ce côté. Pourtant, M. Légaut, à la Toussaint 90, aux Granges, m'avait répondu à cette question de savoir si l'église allait pouvoir combler le fossé qui la sépare de la vie..., qu'il ne le croyait plus... Je n'avais pas pu m'approprier cela, à l'époque. Fin Août 95, je réalise, à partir de l'énorme décalage entre ce que je recevais avec ravissement des sessions avec Jean Jacob (tellement, pour moi, dans le prolongement de M. Légaut) et une frivolité, un conformisme, par rapport à la tradition (même si c'est un peu rénové, ouvert...) à Mirmande..., que je ne pouvais plus faire la gymnastique que je m'imposais quand j'allais à la messe parfois: conscience aiguë que le Jésus, auquel j'accède toujours plus,, est tellement loin de ce qui se passe à la messe que cela m'est devenu impossible... D'où sensation' de mise sur la touche, d'isolement, en cette fin d'été 95... C'est à ce moment là que Georges m'a fait lire le n° 00 de "Jésus simplement". Quel cadeau! Cela répondait à une telle attente pour moi, de trouver un espace, un lieu ? où, sans choquer ceux qui croient et vivent d'une approche différente, puissent se manifester, s'exprimer, se déployer ceux qui sont dans cette mouvance. 

2/ Je vais essayer de donner des, approches de ce Jésus qui me fait vivre, "mon" Jésus, car il est à la mesure de ce que je suis, de ce que je deviens,, de ce que je découvre de toujours plus fondamental dans l'humain, qui touche à l'universel ...mais à travers mon expérience et donc ma lorgnette!... Je ne m'intéresse plus du tout à la théologie, aux dogmes... mais à la grandeur de l'homme, qui me permet d'entrevoir, de faire l'expérience de ce qui me dépasse: " Que l'homme soit et Dieu apparaîtra, au coeur de notre histoire, comme l'espace infini où notre liberté respire" (Maurice Zundel)

Un premier point, lié à ce qui m'a d'abord touchée de Jésus, à propos de ce qu'il dit de l'amour: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" Mtt.19.19 où j'ai découvert peu à peu à partir de ma progressive mise debout intérieure que, contrairement à ce que j'avais reçu comme message (il fallait d'abord aimer, s'occuper des autres... et penser à soi était de l'égoïsme et du nombrilisme), je ne pouvais entrer vraiment dans cette perspective que dans la mesure où j'avais découvert ma propre grandeur et que je pouvais la voir en l'autre: commencer par m'aimer pour pouvoir aimer l'autre authentiquement.

- Jésus, pour moi, est un homme qui, à travers son expérience de vie (nous n'en connaissons pratiquement rien dans -le détail) a été amené à découvrir en lui ce trésor qui est en chaque être, à son insu. A-t-il fait cette découverte progressivement, dans une existence relativement protégée, harmonieuse, ou a-t-il été confronté à des souffrances qui lui ont ouvert l'accès à ces richesses, une fois les béquilles des compensations utilisées pour survivre... tombées ? Peu importe. Ce qui me touche, à travers différentes mises en scène des Évangiles, c'est sa capacité à "voir" l'autre au-delà de ses handicaps physiques ou moraux (pour moi les 2 sont liés) parce qu'il connaît le trésor qui habite tout homme. Plus que la "foi en soi", il a "foi en l'homme" et sa présence, son regard, sa bienveillance inconditionnelle (jamais de jugement) font se dresser ceux qui n'ont plus rien à perdre, qui ne sont plus dans le paraître, qui ne peuvent plus faire semblant car toutes leurs béquilles leur ont été retirées par les circonstances de leur vie. De ce faite, ils peuvent "entendre", être ouverts à cette rencontre qui les fait se mettre debout: leurs yeux se dessillent, leurs oreilles s'ouvrent, la force de vie les anime parce qu'ils touchent à ce "Je" (2è naissance évoquée dans la rencontre de Jésus avec Nicodème) qui peu à peu va permettre de laisser s'entrevoir le "Je Suis", le divin en soi, cette expérience de "ce qui est de moi ...et qui n'est pas que de moi" de Légaut.

- Autre aspect qui me touche, découvert grâce à Légaut, c'est le chemin de fidélité intérieure qui a animé à ce point Jésus. Issu d'un milieu très religieux, d'une tradition forte, de plus en plus lucide, conscient de la grandeur de l'homme, il va se positionner progressivement plus clairement, plus fortement en décalage avec la lettre des lois religieuses, pour être à l'écoute de la vie, du désir de vivre, de la fragilité de l'être... et faire passer ce respect de la vie avant les observances religieuses; pour moi la religion doit être un moyen pour accéder à cette expérience du "reliement" au divin-et donc d'ouverture à la Vie... elle est devenue souvent un but en soi qui détourne de l'Essentiel: " le Sabbat est pour l'homme et non l'homme pour le Sabbat Il va, parallèlement à cette montée de ces exigences de respect de la vie, de bienveillance inconditionnelle ( cf. les paraboles du berger avec ses brebis, en particulier l'exemple du berger qui laisse ses 99 brebis pour chercher l'uni

que qui s'est perdue ) , expérimenter cette présence en lui qu'il va appeler son "Abba", un Dieu intérieur avec lequel il vit une telle intimité que, ce qui l'anime, dépasse sa volonté propre: exemples les miracles qui ont lieu souvent à contretemps (pendant le sabbat), l'attrait qu'il exerce sur les foules les gens qui se dressent en leur humanité en sa présence, l'impact sur ses disciples qui, après sa mort, alors que c'est l'échec radical, la désillusion totale..., expérimentent qu'il est vivant en eux, qu'il les fait vivre et agir ...au-delà de ce dont ils se sentaient capables.

- Un aspect très important, lié au précédent: si Jésus est capable de suivre ce chemin de fidélité intérieure, c'est qu'il a accédé progressivement à une liberté intérieure qui lui permet de dépasser les conditionnements, tabous, conformismes, normes..., de l'univers mental dans lequel il est immergé au niveau socio-religieux... pour se positionner aussi fortement: " et moi je vous dis que... "(Matth.5, 22-44)"foi en l'homme", expression que j'utilise depuis plus de l0 ans pour exprimer la découverte émerveillée faite grâce à mon cheminement avec P.R.H.(Personnalité Relations Humaines), quand, mesurant d'où je venais (ma préhistoire avec en particulier la négation si forte de moi..., ayant la sensation jusqu'à vers 35-40 ans d'avoir tiré le mauvais numéro) j'ai entr'aperçu ce qui attendait en moi (la "foi en soi" de Légaut) et conjointement l'évidence que c'était en attente en tout être, même le plus abîmé par la vie.

- Autre aspect encore, l'épisode du "jeune homme riche" où je sens l'attente de Jésus de voir des êtres se dresser pour faire communauté avec lui, l'espoir naissant devant l'insatisfaction de cet homme pieux, fidèle à sa religion, mais qui manifeste une quête d'autre chose qui sourd du fond de lui, quelque chose qui lui permettrait peut-être de ne plus seulement croire en Dieu, mais d'en faire l'expérience... et sans doute la profonde déception de Jésus devant l'impossibilité pour cet homme de faire 1e pas, le saut...

- Et puis, le " si vous ne redevenez comme des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume " que j'interprète comme un appel à ouvrir cet énorme chantier que constitue la libération de toutes nos mémoires qui nous empêchent souvent "d'entendre" parce que, à propos d'une situation, d'un fait, d'un problème..., nous ajoutons à la situation objective... toutes nos projections, nos mémoires, nos blessures, nos non-reconnaissances, nos manques et que nous ne pouvons accueillir spontanément, positivement ce qui est, à cause de ces prismes déformants. Il y a tout ce travail de lucidité, de désencombrement, de simplification... pour retrouver l'émerveillement, la candeur, la naïveté, la spontanéité, l'exubérance, l'insouciance, la non-mémoire (légèreté) et en même temps la fragilité, l'innocence ... de l'enfant dans sa pureté... - Egalement, un aspect fondamental pour moi: l'authenticité (le minimum d'écart entre ce que je dis, ce que je fais et ce que je suis) . Je sens Jésus complètement dans cette réalité, car il ne fonctionne pas comme la religion catho l'a tellement induit ( où il faut tenter de correspondre à un modèle extérieur idéalisé et, comme la volonté est bien sûr incapable de permettre d'y parvenir, on se minimise, on est petit, nul, rien, et on fait appel à la grâce pour combler ce gouffre... au lieu de se prendre par la main: " aide-toi, le ciel t'aidera!" ), mais il répond progressivement à ce qui s'impose à lui: d'abord la rencontre de Jean-Baptiste qui l'émerveille, puis la découverte que ce n'est pas ce qu'il a à vivre, et progressivement sa mission qui se dessine et qui va le conduire inéluctablement à la mort par fidélité à ce qui l'anime de l'intérieur, qui le rend à ce point singulier, hors norme, irrecevable pour les autorités religieuses..., et c'est l'élimination...; c'est ce qui continue de nos jours où l'église continue de condamner, d'éliminer... au nom de Jésus (Drewermann, Gaillot entre autres).

Alors, inutile de se lamenter... et là je retrouve l'intuition de Légaut qui voyait " l'Église de l'avenir " sous forme de petites communautés de foi. Cela m'amène au dernier point.

3 - Perspectives d'avenir: espoir ou utopie ?

- C'est un cheminement à inventer au risque et péril de chacun, mais si nous sommes "justes" avec nous-mêmes, dans les moments où nous sommes "reliés" à "ce qui n'est pas que de nous", c'est là que la création peut se déployer, l'inspiration visiter chacun à son heure. C'est un pas à pas qui n'a rien de tonitruant, un déchiffrement progressif qui pourra se faire au gré de l'avancée de chacun, des échanges / rencontres... Est-ce que ça pourra aller jusqu'à envisager Que se constituent un ou des petits groupes (cf. communautés de foi de Légaut) où l'on puisse, entre autre, tenter de manifester notre lien à ce Jésus et à cet au-delà de moi qui agit en moi, ne serait-ce que par un repas, tout simplement ? (Jésus était l'homme de la table, non de l'autel (cf. J. Jacob) Voilà ce que je peux dire aujourd'hui !

- Après avoir relu ces pages, deux choses s'imposent pour terminer:

. la sollicitation de Georges m'a permis de faire une mise au clair très importante pour moi, et je l'en remercie.

. j'ose " confier " ces pages à "Jésus simplement" parce que je me sens en famille, et même en communion.

Dimanche 13 octobre 1996, Agnès Munier 

 


Accueil  Textes   Bibliographie   Contacts

@2006 JS "Jésus simplement" mise à jour le 11/04/2006